Rupture dans la stratégie diplomatique française ou simple opération de communication ? Emmanuel Macron a, quoiqu'il en soit, provoqué la stupéfaction dans les rangs atlantistes européens avec ses récentes déclarations sur l'OTAN. Dans une interview accordée au magazine The Economist le 7 novembre, il avait notamment estimé que l’organisation internationale était en état de «mort cérébrale», s'attirant les foudres d'Angela Merkel.
«On peut dire, à juste titre, que l’OTAN est en vie», avait-elle répondu, avant d'ajouter : «Je comprends votre désir d'une politique de rupture […] mais j'en ai assez de ramasser les morceaux. Encore et encore, je dois recoller les bouts de tasse que vous avez cassés pour qu'on puisse ensuite s'asseoir et prendre une tasse de thé ensemble», selon des propos rapportés par le New York Times.
Rupture avec ses prédécesseurs
Après ces prises de position en série, ponctuées par une intervention de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron était attendu de pied ferme par le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg, ce 28 novembre. Lors de cette rencontre, suivie d'une conférence de presse, on pouvait s'attendre à ce que le chef de l'Etat arrondisse les angles, mais il n'en fut rien. Emmanuel Macron a déclaré «assumer totalement» ses propos. Il a aussi regretté la «déconnexion criante et inacceptable» des discussions au sein de l'OTAN depuis deux ans autour du montant de la contribution financière américaine.
Cette nouvelle intervention sur la scène internationale n'est pas anodine et marque une rupture, consommée depuis plusieurs mois, avec certains dirigeants européens, dont Angela Merkel.
Une rupture avec ses prédécesseurs également. Après la réintégration de la France au sein de l'organisation internationale en 2007 sous Nicolas Sarkozy, François Hollande avait emboité le pas, à l'image de la loi du 20 avril 2016 «autorisant l'accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord», marquant définitivement le retour de la France sur la scène atlantiste.
Un coup d'épée dans l'eau ?
Reste à savoir comment se traduiront les paroles du chef de l'Etat en matière de politique étrangère. Depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron reste prisonnier de sa stratégie de l'«en même temps». D'un côté, il cherche désormais à agir indépendamment de ses alliés de l'OTAN, à l'instar de son initiative visant à préserver l’accord sur le nucléaire iranien, des efforts pour sauver l'accord de Paris sur le climat ou encore la mobilisation du G5 Sahel.
De l'autre, il maintient ses excellentes relations avec les pays du Golfe, comme l'Arabie saoudite, garde ses distances avec la Syrie dans sa lutte contre l'Etat islamique et défend bec et ongles le CETA, l'accord commercial bilatéral de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.
On en saura peut-être plus sur le virage stratégique - ou non - de la France après le prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra à Londres les 3 et 4 décembre pour les 70 ans de l'Alliance. Un anniversaire qui s'annonce d'ores et déjà houleux...