La première réunion du Comité constitutionnel syrien se tiendra le 30 octobre à Genève. Envisagée en janvier 2018 à Sotchi lors d'un sommet des trois pays garants du processus de paix d'Astana (Russie, Turquie, Iran), sa concrétisation s’est heurtée pendant des mois à des désaccords majeurs entre le gouvernement syrien, l'opposition et l'ONU.
Au cœur des divergences, figurait notamment la question sensible de la composition du comité chargé d'écrire une nouvelle constitution pour le pays. La situation s'est finalement décantée le 16 septembre 2019, lors d'un sommet ayant réuni à Ankara, les chefs d’Etat russe, iranien et turc. A l’issue de leurs entretiens, les trois chefs d’Etat avaient ainsi fait savoir que la liste des membres avait été dressée et qu'elle pourrait, sous peu, commencer son travail à Genève, en Suisse. Quelques jours plus tard, le 23 septembre, l’ONU annonçait son officialisation.
Un tournant décisif dans la résolution politique du conflit syrien ?
Ce Comité composé de 150 personnes – 50 choisies par le gouvernement, 50 par l’opposition et 50 par l’ONU afin d’y inclure des délégués «indépendants» appartenant à la société civile – est désormais considéré par de nombreux acteurs internationaux comme la pierre angulaire d’une résolution politique du conflit.
Pour l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la Syrie, le NorvégienGeir Otto Pedersen, la concrétisation de cette instance qui s’inscrit en droite ligne de la résolution 2254 (adoptée à l'unanimité en 2015, et qui vise à un cessez-le-feu et une résolution politique en Syrie), constitue ni plus ni moins «une opportunité historique» pour mettre fin à plus de huit années de guerre. Et pour cause, outre la révision de la Constitution syrienne, le Comité constitutionnel a pour objectif de permettre la mise en place d’élections auxquelles l’ensemble des Syriens, dont des millions vivent actuellement réfugiés dans d'autres pays de la région, sont appelés à prendre part.
Néanmoins les écueils demeurent nombreux : si ses membres acceptent, pour l’heure, de s’asseoir autour d’une même table pour définir les contours d’une résolution politique du conflit, ils doivent au préalable parvenir à dépasser leurs clivages.
A ce titre, la seule révision de la Constitution syrienne semble une tâche longue et périlleuse. L’absence de date butoir fixant la fin des travaux de Comité constitutionnel présage d’ores et déjà de long rounds de tractations entre les différentes parties. Quelle sera la place du président la République dans la nouvelle Constitution ? Quelle élection actera le premier pas d’une nouvelle ère politique dans le pays ? Loin d'être les seules, ces quelques questions engendreront sans aucun doute de long débats.
Un contexte sécuritaire favorable à une sortie de crise
Alors que le Comité constitutionnel s’apprête à se lancer dans une course au long cours pour jeter les bases d’un nouveau système politique en Syrie, il travaillera dans un contexte marqué par l’amélioration récente, après de multiples tumultes, de la situation sécuritaire sur le terrain. En effet, à la faveur de la reconquête territoriale menée par l’armée syrienne avec le soutien de Moscou, le pays est entré depuis plusieurs mois dans une phase de reconstruction.
Théâtre de violents combats, le nord-est du pays connait à son tour un retour progressif au calme après la fin de l'intervention militaire d'Ankara contre des milices kurdes, qui pouvait entraîner une énième escalade.
Fait notable, la suspension de cette offensive est intervenue après une rencontre entre les diplomaties russes et turques, dont les positions sur la Syrie sont a priori très éloignées. Ankara et Moscou sont néanmoins parvenues à se mettre d'accord pour instaurer des patrouilles conjointes dans la région.
La menace américaine
Un dossier très épineux reste pourtant encore sur la table : celui de la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, en partie contrôlée par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (anciennement le Front al-Nosra, branche syrienne d'al-Qaïda), et dans laquelle la mise en place d’un cessez-le-feu s’est avérée quasiment impossible.
La Russie avait notamment accusé les Etats-Unis d’avoir empêché le 20 septembre dernier une résolution russo-chinoise sur un cessez-le-feu en faisant pression sur certains des membres du Conseil de sécurité. Quelques semaines plus tôt, l’armée américaine avait lancé une frappe contre des chefs djihadistes, sans en notifier à l'avance la Russie et la Turquie qui disposent toutes deux de troupes au sol.
Lire aussi : Sommet d'Ankara : le comité constitutionnel syrien bientôt sur les rails