Libéré le 28 août des geôles ukrainiennes, dans lesquelles il était incarcéré depuis mai 2018 à titre préventif pour «haute trahison», le journaliste russe Kirill Vychinsky a dans la foulée réagi à sa libération au micro de Ruptly. L’ancien directeur du site RIA Novosti Ukraine, filiale de l’agence de presse russe RIA Novosti, s’est dit «reconnaissant envers tous ceux qui [l]’ont soutenu et ont contribué à [s]a libération ainsi qu’à prouver [s]on innocence», ajoutant vouloir «certainement continuer [le] métier de journaliste» mais pas forcément dans le domaine «politique».
«Le verdict de cette cour me convient […] Il n’a rien d’extraordinaire et cela suit simplement le cadre juridique adopté par la cour constitutionnelle ukrainienne. C’est pourquoi je suppose que le verdict est juste et conforme», a-t-il déclaré. En échange de sa remise en liberté, le journaliste s’est engagé à se présenter devant le tribunal lors de son prochain procès. Il a expliqué avoir «intérêt à prouver [le] caractère absurde» des accusations qui pèsent contre lui. Les procureurs lui reprochent d'avoir soutenu les républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk dans sa couverture des événements survenus dans le Donbass. Si sa culpabilité est prouvée, il risque jusqu'à 15 ans de prison.
Indignation (journalistique) sélective ?
Par ailleurs, Kirill Vychinsky a également tenu à remercier ses collègues journalistes qui l’ont soutenu durant ses 15 mois de détention. «La profession m’a beaucoup soutenu et cela m’a sauvé à bien des égards au cours de l’année écoulée […] C’était très important que d’autres journalistes me soutiennent et dénoncent mon incarcération uniquement à cause de mon métier. Je pense que ceux qui ont participé à des rassemblements de soutien, qui ont alerté les militants des droits de l’homme et les politiciens, ont influencé la décision de la justice», a-t-il expliqué.
Le mois dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'était dit «prêt à échanger Vychinsky» contre «[Oleg] Sentsov», cinéaste condamné en Russie à 20 ans de prison pour terrorisme. Lors de son audience le 28 août, Kirill Vychinsky avait réfuté cette possibilité. «J'ai refusé d'être échangé il y a longtemps et je maintiens ma position», avait-t-il réaffirmé, appelant le tribunal à prendre des décisions équitables «reflétant la réalité», s'inquiétant de possibles «pressions politiques».
Kirill Vychinsky a longtemps expliqué que les poursuites engagées contre lui constituaient une persécution politique ayant pour but de renforcer le pouvoir du président ukrainien de l'époque, Petro Porochenko, qui avait échoué à se faire reconduire à la tête du pays en avril dernier face à Volodymyr Zelensky.
Alors que les médias occidentaux sont généralement prompts à dénoncer les incarcérations de journalistes, le destin de Kirill Vychinsky ne semblait pas les préoccuper outre-mesure. Une fédération internationale de journalistes, l'Organization for Security Cooperation in Europe and International Federation of Journalists, avait bien exprimé son inquiétude face à l’incarcération du journaliste, mais seulement lorsqu'elle avait été interrogée à ce sujet.
De plus, aucune des organisations traditionnelles n’avaient commenté le premier anniversaire de l’emprisonnement du ressortissant russe. Le comité de protection des journalistes, CPJ Europe and Central Asia, non plus, même s'il avait publié un article lors de l’ouverture du procès, et appelé à relâcher le journaliste. Ce 29 août, le Représentant pour la liberté des médias de l'OSCE, Harlem Désir, a néanmoins «salué» la libération de Kirill Vychinsky et souhaité que «toutes les poursuites» à son encontre soient «levées».
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