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Crash du MH17 en Ukraine : cinq ans après, que retenir de l'enquête en cours ?

Le mystère reste entier sur le crash du Boeing 777 de Malaysia Airlines. L'enquête internationale pilotée par les Pays-Bas se poursuit et la Russie en dénonce la partialité, reprochant aux enquêteurs de négliger les éléments qu'elle fournit.

Le 17 juillet 2014, le Boeing 777 assurant le vol 17 de Malaysia Airlines, parti d'Amsterdam pour Kuala Lumpur, a été abattu au-dessus de l'est de l'Ukraine, avant de s'écraser dans la partie du pays tenue par les rebelles. Les 283 passagers, dont 196 Néerlandais, et les 15 membres de l'équipage à son bord ont péri. La majorité de l'épave de l'appareil a été retrouvée près du village de Grabove située dans le Donbass. Cette région était alors, et est encore, le théâtre de combats sporadiques entre l'armée ukrainienne et les rebelles qui refusent de reconnaître le gouvernement issu du coup d'Etat de 2014. Un contexte compliquant la reconstitution du drame.

Une enquête partiale ?

Très vite, avant même le début de l’enquête internationale devant révéler les circonstances de cette tragédie, les médias occidentaux ainsi que les autorités ukrainiennes, ont pointé du doigt la responsabilité directe de la Russie, qui réfute catégoriquement toute implication dans le drame. Le principal argument invoqué est le suivant : le missile sol-air ayant abattu l'avion, un BUK, est de fabrication russe. L’accusation est reprise en septembre 2016 par l’équipe d'enquête commune (JIT) pilotée par les Pays-Bas et constituée d’experts néerlandais, belges, australiens, malaisiens et ukrainiens. Ces mêmes enquêteurs réitèrent leurs accusations en mai 2018 en affirmant que le missile provenait de la 53e brigade anti-aérienne de l'armée russe. La Russie, nous allons le voir, a apporté des éléments contredisant ces allégations.

L’Ukraine, qui avait décidé de ne pas fermer son espace aérien dans une région en conflit, échappe quant à elle aux condamnations internationales. L'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) avait pourtant signalé, avant la catastrophe, que l’itinéraire emprunté par le Boeing pouvait représenter un risque sérieux. Un manque de précaution d'autant plus alarmant que l'armée ukrainienne a, par le passé, abattu un avion de ligne : le 4 octobre 2001, le vol 1812 de la compagnie aérienne russe Siberia Airlines, qui reliait Tel-Aviv à Novossibirsk, a ainsi été frappé au-dessus de la mer Noire, provoquant la mort de 78 personnes.

Une coopération russe négligée par les enquêteurs

La Russie, qui a fait part de ses inquiétudes concernant la partialité de l'enquête dès son déclenchement, n’a eu que peu des possibilités pour contribuer à faire la lumière sur cette affaire. L’enquête a en effet prêté peu d’attention aux données fournies par les autorités russes, qui ont accepté de remettre toutes les informations en leur possession afin de parvenir à une compréhension complète de ce qu'il s’était passé en juillet 2014 dans l’espace aérien ukrainien.

En automne 2016, l’autorité aéronautique russe, Rosaviatsia, a même fourni des données de radar montrant qu’aucun missile n'avait été tiré depuis les zones contrôlées par les rebelles le jour du crash. Quelques mois plus tard, en janvier 2017, les autorités néerlandaises ont répondu qu’elles n’étaient pas capables de déchiffrer les données car elles étaient fournies dans un «format atypique». Bien que la Russie ait expliqué qu’elle avait utilisé le format ASTERIX pour présenter les données brutes, les Néerlandais ont déclaré que le radar russe était incapable de repérer un objet relativement petit de la taille d’un missile. En réponse, Oleg Stortchevoï, chef de Rosaviatsia, a rejeté cette affirmation en précisant que la station radar pouvait détecter des objets beaucoup plus petits qu’un missile BUK.

Plus récemment, en septembre 2018, le ministère russe de la Défense a présenté en conférence de presse des documents démontrant que le missile à l’origine du drame appartenait à l'Ukraine et avait été produit en 1986. Selon l'enquête internationale menée par les Pays-Bas, deux numéros de série ont été retrouvés sur des fragments du missile. La Russie a affirmé avoir pu reconstituer l'historique de ceux-ci jusqu'à un missile portant le numéro de série 8868720. Celui-ci aurait été produit dans une usine de la région de Moscou en 1986, avant d'être livré à une unité militaire ukrainienne, selon des documents présentés par la Défense russe. Ici aussi, ces éléments avancés par l’armée russe n'ont guère été pris en considération.

«La Russie n'a pas été en mesure de participer à l'enquête malgré un intérêt exprimé dès le début et des tentatives d'y prendre part», déclarait en juin dernier le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Trois Russes et un Ukrainien soupçonnés d'être «complices» de meurtre

Le 19 juin, les enquêteurs internationaux ont révélé publiquement les noms et visages de quatre suspects (trois Russes et un Ukrainien) – présumés innocents jusqu'à l'ouverture de leur procès, qui débutera le 9 mars 2020 aux Pays-Bas. Ils sont accusés d'avoir transporté le système ayant servi à envoyer le missile sur l'avion, mais ne sont pas, selon les enquêteurs, ceux qui «ont appuyé sur le bouton».

«Le bureau du procureur néerlandais soupçonne que c’est en raison d’actions de ces personnes que l’avion du vol MH17 a été abattu. Bien que ce ne soient pas ces personnes précises qui aient appuyé sur le bouton, on sait qu’elles ont été impliquées directement dans les activités ayant visé à faire venir sur le territoire ukrainien des systèmes antiaériens BUK dont un a abattu l'avion», a expliqué un responsable de l'équipe internationale conduite par les Pays-Bas lors d'une conférence. Les enquêteurs ont précisé espérer retrouver les coupables.

Ces nouvelles accusations ont été rapidement battues en brèche par le ministère russe des Affaires étrangères qui a regretté une volonté de «discréditer» la Russie.

La Malaisie dénonce une enquête politiquement motivée visant à accabler la Russie

Moscou n'est pas seule à juger l'enquête peu impartiale. «Nous sommes très mécontents parce que depuis le tout début, [le crash du vol MH17] est devenu une question politique, sur comment accuser la Russie de méfaits. Même avant qu'ils n'examinent [l'affaire], ils parlaient déjà de la Russie» : cité par le journal Malaysia Mail, le Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, a en effet fait part de ses doutes le 20 juin dernier quant aux accusations visant les autorités russes.

Pour le chef du gouvernement de Malaisie, il est «très difficile» pour les autorités de son pays de prendre pour argent comptant les accusations des enquêteurs internationaux, qui affirment que l'avion a été abattu par les rebelles de l'est de l'Ukraine avec l'aide de la Russie. «Nous voulons la preuve de la culpabilité [de la Russie]. Mais pour l'instant, il n'y a aucune preuve, seulement des rumeurs», a-t-il en outre affirmé.

Une voix discordante qui semble témoigner, cinq ans après le drame, de la difficulté des experts internationaux à mener une enquête indépendante.

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