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Expiration du traité INF et sécurité mondiale : l'OTAN cherche à faire porter le chapeau à la Russie

Sous l'impulsion de Donald Trump, les Etats-Unis ont dénoncé le traité sur les armes nucléaires intermédiaires, avec une sortie programmée pour août 2019. Sur la même ligne que Washington, l'OTAN met en demeure Moscou de se conformer à ses exigences.

La perspective de l'expiration en aout 2019 du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI en français, INF en anglais) donne lieu à une véritable guerre de l'information et de la communication entre la Russie et les Etats-Unis. Et l'OTAN ajoute encore à la confusion – et à la tension.

Le 25 juin, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Alliance atlantique, a tenté à son tour de faire porter la responsabilité sur Moscou d'un échec de la reconduction de ce traité signé en 1987. «Nous exhortons la Russie à reprendre le chemin de la raison, mais nous n'avons aucun indication que la Russie en ait l'intention»,  a-t-il déclaré, cité par Reuters, depuis le siège de l'OTAN à Bruxelles. «Il reste cinq semaines, jusqu'au 2 août», a prévenu Jens Stoltenberg dans un forme d'ultimatum.

Nous exhortons la Russie à reprendre le chemin de la raison

Le 1er février dernier, Donald Trump annonçait le lancement du «processus de retrait» des Etats-Unis du traité INF. «[Il] sera achevé dans six mois [soit le 2 août 2019] à moins que la Russie respecte ses obligations en détruisant tous ses missiles, lanceurs et équipements qui violent le texte», avait-il affirmé.

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L'OTAN alignée sur la politique étrangère de table rase de Washington

Exactement sur la même ligne que Washington, Jens Stoltenberg a prévenu durant le même point presse qu'au cas où Moscou ne plierait pas, l'OTAN prendrait des «mesures» qui seraient «défensives, proportionnées et coordonnées».

Le 26 juin, Moscou a fait valoir que les accusations conjointes de Washington et de l'OTAN étaient sans fondement. «Essayer de décrire ce qu'il se passe comme une réponse militaire et politique aux actions de la Russie relève de la propagande avec une large part de désinformation de l'opinion publique internationale», a déploré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Ryabkov.

De fait, les Etats-Unis accusent, sans preuve, au nom du secret-défense, la Russie d'avoir développé un nouveau missile sol-sol, le 9M729, dont la portée serait supérieure à 500 kilomètres. Ce rayon d'action contreviendrait aux dispositions du traité INF, qui prohibe la possession ou la mise au point de tout vecteur de ce type. Cette controverse à elle seule explique – ou sert de prétexte à – la remise en cause d'un des traités historiques issus de la guerre froide garantissant la sécurité mondiale.

De plus, à la lecture de la nouvelle «stratégie de défense nationale», dévoilée par le secrétaire à la Défense Jim Mattis en janvier 2018, les intentions des Etats-Unis sont claires. Le mois de février suivant, dans le cadre d'une nouvelle doctrine militaire, le pays s'octroyait le droit de riposter avec des armes nucléaires tactiques, même en cas d'attaque conventionnelle. En résumé, les Etats-Unis voudraient s'assurer un avantage militaire, en rupture complète avec la notion d'équilibre des puissances.

Monsieur Stoltenberg est un "blablateur" irresponsable

Aussi, le Conseil de la Fédération de Russie (le Sénat russe) a approuvé le 26 juin un projet de loi sur la suspension, cette fois par Moscou, du traité INF. A la Douma (chambre basse du Parlement russe), le président de la Commission de la défense et député de la majorité présidentielle Vladimir Shamanov a fait savoir que la Russie répondrait à toute action qui menacerait sa sécurité. «Monsieur Stoltenberg est un "blablateur" irresponsable. Par conséquent, son opinion ne nous intéresse pas», a-t-il lancé le 25 juin.

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Accords Start, INF... La structure de sécurité mondiale menacée

L'INF n'est pas le seul traité majeur, hérité de la guerre froide et structurant les relations internationales, à être contesté par Washington.

Signé en juillet 1991 par le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son homologue George Bush (père), quelques mois avant la dissolution de l'URSS, le traité Start (Strategic Arms Reduction Treaty, en anglais) avait été reconduit plusieurs fois, puis remplacé en 2010 par le traité New Start, en vigueur pour 11 ans. 

Ces traités ont permis jusqu'à présent de maintenir les arsenaux nucléaires américains et russes bien en deçà de leur niveau des années 1970 et 1980. Or, alors que la série d'accords Start entre la Russie et les Etats-Unis doivent expirer en 2021, Washington traîne des pieds pour ouvrir de nouvelles négociations. «J’attire votre attention sur le fait qu’il n’y aura plus aucun instrument limitant la course aux armements ou, par exemple, le déploiement d'armes dans l'espace. Est-ce que nous comprenons bien ce que cela signifie ou non ?», a martelé Vladimir Poutine, début juin.

En matière de sécurité, le président russe parle en connaissance de cause. En 2002, sous son premier mandat, Washington faisait tomber le premier domino, en sortant unilatéralement du traité ABM (Anti-Ballistic Missiles). Signé 30 ans plus tôt, en pleine guerre froide, ce dispositif avait mis un terme à la course aux missiles intercontinentaux.

Ironiquement, 17 ans plus tard, Washington reproche à la Russie de vouloir assurer sa sécurité dans un monde toujours plus incertain, et face à une Alliance atlantique toujours expansionniste...

Alexandre Keller

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