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Crise dans le Golfe : les maigres preuves de Washington contre Téhéran qui nie toute implication

Les Etats-Unis ont accusé l'Iran d'être derrière les attaques survenues en mer d'Oman, avançant des preuves pour le moins légères. La République islamique réfute ces accusations et soupçonne Washington de vouloir semer le trouble dans la région.

Après les attaques du 13 juin contre deux pétroliers en mer d’Oman, les Etats-Unis ont accusé l’Iran d’être «responsable» de ces incidents. Deux navires pétroliers, un norvégien et un japonais, ont été la cible d’explosions qui ont fait plusieurs blessés parmi les équipages. Au même moment, le Premier ministre japonais Shinzo Abe – allié des Etats-Unis – rendait une visite historique à Téhéran au président iranien Hassan Rohani. Les attaques ont eu lieu sur une route maritime stratégique, faisant monter les prix du baril de pétrole. Etabli à un peu plus de 51 dollars le 12 juin, le cours de l’or noir a rapidement atteint les 52 dollars suite à ces incidents. Ce 14 juin, le baril est à 52,5 dollars.

Les Etats-Unis visent Téhéran

La réaction de l’administration Trump ne s’est pas fait attendre. «Le gouvernement des Etats-Unis estime que la République islamique d’Iran est responsable des attaques ce jour en mer d’Oman», a accusé en fin de journée le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, lors d’une déclaration solennelle, soupçonnant la République islamique de chercher à perturber le marché mondial en empêchant le passage du brut par le détroit d’Ormuz.

Pour étayer ses accusations, l’ancien directeur de la CIA avance des informations récoltées par les services de renseignement, le choix des «armes utilisées» mais aussi le fait qu’aucun groupe allié de l’Iran dans la région n’ait les moyens d’atteindre «un tel niveau de sophistication». Il a ajouté que ces actes «représent[aient] une menace claire pour la paix et la sécurité internationale, une attaque flagrante contre la liberté de navigation et une escalade des tensions inacceptable de la part de l’Iran».

Par ailleurs, la marine américaine a mis en ligne sur Twitter une vidéo, enregistrée par un de leurs avions dans la zone, censée montrer «un bateau de patrouille […] retirant une mine non-explosée de la coque» d’un des deux tankers. Néanmoins, la qualité médiocre de la captation ne permet aucunement de savoir à qui appartient le vaisseau ni de déterminer qui en sont les occupants.

La coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, qui intervient au Yémen contre les rebelles Houthis, a également dénoncé une «escalade majeur», mettant en cause, de manière indirecte, l'Iran.

L’Iran dément les accusations

De son côté, l'équipage embarqué à bord du pétrolier japonais attaqué en mer d'Oman a signalé avoir vu un objet volant viser leur embarcation, selon les propos rapportés par le patron de la société propriétaire du tanker, le Kokuka Courageous. «Les marins disent que le bateau a été touché par un objet volant. Ils l'ont vu de leurs propres yeux», a révélé aux médias Yutaka Katada, PDG de Kokuka Sangyo, ajoutant : «Quelque chose a volé vers le navire, puis il y a eu une explosion et il a été percé.»

La République islamique a réagi par la voix de son ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif sur Twitter. «Le fait que les Etats-Unis aient immédiatement sauté sur l’occasion de lancer des allégations contre l’Iran [sans] le début d’une preuve fondée ou circonstancielle, fait apparaître en pleine lumière le fait que [Washington et ses alliés] sont passés au plan B : celui du sabotage diplomatique […] et de maquillage de son terrorisme économique contre l’Iran», a-t-il fait savoir sur le réseau social.

De plus, dans un communiqué, le porte-parole du ministère, Abbas Moussavi, a appuyé le fait que, pour lui, les accusation du chef de la diplomatie américaine étaient «sans fondements».

«Accuser l’Iran pour les accidents suspects et malheureux dont ont été victimes les pétroliers est apparemment ce qu’il y a de plus simple à faire pour Mike Pompeo et les autres autorités américaines», a-t-il souligné, expliquant que l’Iran, «responsable d’assurer la sécurité dans le détroit d’Ormuz», était venu «en aide» aux navires en détresse afin de «sauver» leur équipage.

Auparavant, Mohammad Javad Zarif avait fait part de ses «inquiétudes» après des «incidents suspects». «Le mot suspicieux ne suffit pas à décrire ce qui transpire apparemment» de ces attaques contre des «tankers liés au Japon survenues» le jour de la visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe dans le pays, a indiqué le ministre des Affaires étrangères sur Twitter.

La mission iranienne auprès de l’ONU a elle aussi répliqué dans un communiqué diffusé dans la soirée du 13 juin. «L’Iran rejette catégoriquement les accusations infondées des Etats-Unis et les condamne dans les termes les plus forts», peut-on lire dans le document.

La communauté internationale inquiète

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a tenu à rappeler, le 13 juin, que le monde ne pouvait se permettre un conflit majeur dans le Golfe. Le conseil de sécurité de l’organisation s’est réuni en urgence à huis clos. Selon des diplomates repris par l’AFP, l’ambassadeur américain Jonathan Cohen a confirmé que tous les éléments semblaient désigner l’Iran. «Il faut que le Conseil de sécurité reste saisi du sujet […] Si on ne réagit pas, d’autres attaques sont possibles», a-t-il fait valoir.

Malgré ses accusations contre la République islamique, l’administration Trump n’a pour le moment annoncé aucune nouvelle mesure de rétorsion. Cette dernière a réitéré son appel au dialogue que venait de repousser le Guide suprême de la Révolution, Ali Khamenei. «[Donald Trump] ne mérité pas qu’on échange des messages avec lui», avait certifié l’ayatollah lors de sa rencontre avec Shinzo Abe le 13 juin.

Le 45e président des Etats-Unis s’est lui exprimé sur Twitter. «Personnellement, je pense qu’il est encore trop tôt pour envisager la signature d’un accord. Ils ne sont pas prêts et nous non plus !», a-t-il confié. Un positionnement confirmé par Mike Pompeo, qui souhaite que l’Iran revienne à la table des négociations «le moment venu».

La région est depuis plus d'un mois le théâtre d'une escalade des tensions entre Téhéran et Wahsington, à la suite du retrait américain de l'accord international sur le nucléaire iranien et le durcissement des sanctions à l'encontre de l'Iran. Les Etats-Unis ont récemment procédé à de nombreux déploiements militaires au Moyen-Orient, accusant la République islamique de préparer des «attaques imminentes» contre les intérêts américains.

Alexis Le Meur

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