Après que le Sri Lanka a été frappé, le 21 avril, par des attentats sanglants ayant fait 253 morts dans trois églises et trois hôtels de luxe, le voile se lève peu à peu sur l’identité des terroristes. Le gouvernement a annoncé que neuf kamikazes au total avaient péri au cours de cette journée.
Après plusieurs jours d’enquête, les premiers éléments suggèrent une organisation qui serait composée, entre autres, du leader du mouvement islamiste National Thowheeth Jama’ath (NTJ), Mohammed Cassim Mohamed Zaharan, alias Zahran Hashim, et de deux des fils de Mohamed Ibrahim, un homme d’affaires sri-lankais qui a fait fortune dans le commerce des épices. Selon Le Figaro, son entreprise, Ishana Spice Exports, était l’une des plus grosses pourvoyeuses de devises étrangères vers le Sri Lanka.
En d'autres termes : certains des hommes-clés présumés des attentats meurtriers étaient loin d'être des anonymes.
Un prédicateur en première ligne
Le cerveau présumé des attentats, le prédicateur Zahran Hashim, âgé d’une quarantaine d’années, s’était révélé au grand public ces trois dernières années grâce à ses diatribes virulentes sur les réseaux sociaux. Dans des vidéos Facebook, postées sous le nom de Zahran Moulavi, il enjoignait ses partisans à combattre les «mécréants» et multipliait les messages de soutien à l’Etat islamique (EI). Ces vidéos ont depuis été supprimées. NTJ avait également fait parler de lui, et son leader par la même occasion, en organisant des marches visant à dénoncer le traitement par les autorités de la minorité musulmane rohingya en Birmanie ou pour conspuer la droite religieuse nationaliste bouddhiste au Sri Lanka.
Zahran Hashim est mort en menant l’attaque suicide contre l’hôtel Shangri-La, dans la capitale, Colombo, selon une déclaration du 26 avril du président Maithripala Sirisena. Originaire de la région orientale de Batticaloa, le prédicateur apparaît sur une vidéo de revendication des attaques mise en ligne par l'EI. Il est entouré de sept hommes, aux visages dissimulés, avec lesquels il prête allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, calife autoproclamé de l’organisation (qui a été donné pour mort à diverses reprises).
Selon le responsable d'une mosquée locale cité par l'AFP, le prêcheur a attiré l'attention de la police il y a trois ans lorsqu'il a brandi une épée durant des heurts avec une autre organisation musulmane. Mais alors que l'étau se refermait sur lui, il a pris le maquis avec des partisans dans ce qui semble être une faction dissidente du NTJ. Ainsi, à la mosquée très largement désertée du NTJ à Kattankudy (district de Batticaloa), les fidèles démentent être restés en relation avec le leader radical.
«La plupart des kamikazes viennent de la classe moyenne ou moyenne supérieure»
Autre révélation notable, deux des kamikazes seraient Inshaf Ahmed Ibrahim et Ilham Ahmed Ibrahim, deux des fils de Mohamed Ibrahim, selon des sources citées par CNN. Ce dernier a été arrêté avec son troisième fils, Ijas Ahmed Ibrahim, mais n’a pas été poursuivi, selon les mêmes informateurs. Il était soupçonné d’avoir aidé et encouragé ses fils dans leurs actions, d’après un porte-parole de la police sri-lankaise, Ruwan Gunasekera, joint par la chaîne de télévision américaine. Inshaf, 33 ans, directeur d’une usine dans le secteur du cuivre, aurait déclenché son engin explosif au Cinnamon Grand Hotel. Ilham, 31 ans, entrepreneur marié à la fille d’un riche fabricant de bijoux, aurait activé le sien au Shangri-La Colombo, selon le site d’informations indien Firstpost.
Ilham Ahmed Ibrahim aurait entretenu des liens avec le NTJ, selon Reuters. D'après des sources anonymes citées par CNN, il avait été arrêté par les autorités avant les attentats puis relâché, sans que ces sources ne précisent quand ni pourquoi.
Le gouvernement sri-lankais n’a pas confirmé ces informations.
Si ces profils d'acteurs supposés des attentats peuvent surprendre, le vice-ministre de la Défense, Ruwan Wijewardene, cité par l'AFP, constate : «La plupart des kamikazes sont éduqués et viennent de la classe moyenne ou de la classe moyenne supérieure donc ils sont assez indépendants financièrement et leurs familles sont assez stables, ce qui est un facteur inquiétant.»
Alexis Le Meur