Chelsea Manning, l'ex-analyste du renseignement américain qui avait fait fuiter des milliers de documents classés secret-défense, a été placée en détention le 8 mars en raison de son refus de témoigner dans le cadre d'une enquête sur WikiLeaks. «Je vous déclare coupable d'entrave à la bonne marche de la justice», a déclaré le juge fédéral Claude Hilton, qui a écroué la femme de 31 ans après l'avoir convoquée devant son tribunal en banlieue de Washington.
L'ancienne informatrice de WikiLeaks refuse de répondre aux questions d'un grand jury supervisant une enquête sur l'organisation fondée par Julian Assange, qui a donné une audience mondiale aux «lanceurs d'alertes».
Chelsea Manning, devenue par ailleurs une icône des personnes transgenres, s'était pourtant vu proposer une immunité dans le cadre de ces investigations.
Détenue sine die
Chelsea Manning restera écrouée tant qu'elle ne reviendra pas sur sa décision ou jusqu'à ce que le grand jury soit dissous, selon le juge Hilton du tribunal d'Alexandria, une petite ville de Virginie jouxtant Washington.
Je ne participerai pas à un processus secret que je désapprouve moralement, qui a notamment servi à piéger et à persécuter des militants exerçant leur liberté d'expression protégée par la loi
La native de l'Oklahoma affirme bénéficier d'un droit constitutionnel à ne pas être interrogée par ce grand jury, dont elle dénonce par ailleurs l'opacité des actes de procédure. Elle a répété sa détermination dans un communiqué le 8 mars. «Je ne participerai pas à un processus secret que je désapprouve moralement, qui a notamment servi à piéger et à persécuter des militants exerçant leur liberté d'expression protégée par la loi», a écrit la détenue.
En 2010 le soldat Manning, alors prénommé Bradley, avait fait fuiter via WikiLeaks plus de 700 000 documents confidentiels ayant trait aux guerres d'Irak et d'Afghanistan, dont plus de 250 000 câbles diplomatiques qui avaient plongé les Etats-Unis dans l'embarras.
Les lanceurs d'alerte sont désormais forcés à témoigner contre des journalistes. Un nouvel angle d'attaque contre la liberté de la presse
WikiLeaks a réagi le 8 mars en affirmant que la nouvelle détention de Chelsea Manning visait à «la contraindre à témoigner contre Julian Assange». «Les lanceurs d'alerte sont désormais forcés de témoigner contre des journalistes. Un nouvel angle d'attaque contre la liberté de la presse», a commenté l'organisation.
Héroïne des libertés pour certains, traîtresse pour d'autres
L'ex-analyste du renseignement a purgé sept ans de prison sur les 35 de sa condamnation initiale, ayant bénéficié d'une commutation de peine octroyée par l'ancien président Barack Obama. Lors de sa détention, elle avait entamé sa transition vers son identité de femme.
Pour beaucoup d'Américains, Chelsea Manning est une héroïne des libertés qui a payé très cher ses révélations sur les morts de civils sous les bombardements américains en Irak et Afghanistan. Pour de nombreux autres, c'est une renégate. Donald Trump l'avait lui-même qualifiée de «traîtresse» à son pays.
Né en Australie, Julian Assange vit lui réfugié à l'ambassade d'Equateur à Londres depuis juin 2012. S'il en sort, il risque d'être arrêté par les autorités britanniques avant d'être extradé vers les Etats-Unis.
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