La justice britannique ordonne l'extradition d'Alexandre Djouhri
- Avec AFP
Les fantômes de l'affaire libyenne n'en finissent pas de revenir hanter la politique française : l'éminence grise associée au dossier du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Alexandre Djouhri, pourrait être extradé vers la France.
Westminster a ordonné le 26 février l'extradition vers la France de l'homme d'affaires Alexandre Djouhri, protagoniste clé de l'enquête française sur le financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. La juge Vanessa Baraitser a ajouté qu'Alexandre Djouhri avait sept jours pour faire appel avant que l'ordre d'extradition ne soit exécuté. Ce dernier a immédiatement annoncé que c'était son intention.
«Je m'y attendais, il n'y a pas de surprise», a-t-il déclaré à la presse à la sortie du tribunal. «C'est une mascarade absolue», a ajouté l'homme d'affaires français, accusant les juges français d'avoir «inventé une fuite pour pouvoir m'arrêter à Londres». «S'ils avaient quelque chose à me reprocher, ils me convoquent dans les règles», a ajouté Alexandre Djouhri.
Le dossier Kadhafi dans le rétroviseur
Convoqué à plusieurs reprises par la justice française, l'intermédiaire de 60 ans avait été arrêté en janvier 2018 à l'aéroport londonien de Heathrow, en provenance de Genève, en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par la justice française, notamment pour «détournements de fonds publics» et «corruption». Son nom était apparu en 2009, à l'occasion de la vente suspecte d'une villa située à Mougins, sur la Côte d'Azur, à un fonds libyen géré par un dignitaire de la Libye de Kadhafi.
Alexandre Djouhri, familier des réseaux de la droite française est soupçonné d'avoir été, derrière plusieurs prête-noms, le véritable propriétaire de la villa et de l'avoir cédée à un prix surévalué, ce qui aurait pu permettre de dissimuler d'éventuels versements occultes.
Lors de sa comparution en janvier devant la juge Baraitser, il s'était dit «victime de deux magistrats» français, citant le juge d'instruction Serge Tournaire et le procureur du parquet national financier (PNF) Patrice Amar.
La défense d'Alexandre Djouhri avait avancé que son client avait été sollicité au téléphone de manière informelle par les enquêteurs, et qu'il avait lui-même proposé une rencontre à Genève, sans résultats. Ses avocats avaient affirmé que la loi helvétique (car Alexandre Djouhri est résident suisse) ne le contraignait pas à répondre à ces sollicitations ou à se rendre en France.
«Un mandat d'arrêt, c'est quand un type est en fuite et la fuite, il faut la constater. Or Monsieur Djouhri n'était pas en fuite puisqu'il n'a jamais fait l'objet d'une convocation dans les règles», avait déclaré auprès de l'AFP l'un de ses avocats, Eric Dupond-Moretti.
Djouhri : une cible «évidente» selon ses avocats
Deuxième axe de défense, ses avocats avaient souligné le «contexte politique fort» de cette demande d'extradition, en rappelant l'affaire du financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Cette affaire vaut à l'ex-président français d'être mis en examen pour «corruption passive», «financement illégal de campagne électorale» et «recel de détournement de fonds publics libyens». Il n'a pas le droit de se rendre en Libye ni de rencontrer neuf protagonistes, dont Alexandre Djouhri.
La défense d'Alexandre Djouhri l'avait donc présenté comme une cible «évidente» pour des enquêteurs cherchant à atteindre Nicolas Sarkozy par procuration, tout en essayant de discréditer cette enquête. Mais pour la juge britannique, «il n'y a pas de preuve suffisante que les autorités françaises ont manipulé ou utilisé des procédures pour opprimer ou injustement porter préjudice à Monsieur Djouhri [...] Selon moi, il n'y pas eu abus de procédure.»
Les avocats d'Alexandre Djouhri avaient enfin mis en avant, à Londres, la santé fragile de leur client pour contester la demande d'extradition des autorités françaises. Son cœur bat «anormalement vite», avait témoigné le docteur Alan Mitchell, mandaté par la défense, estimant que «le stress» était «un des facteurs responsables de ce rythme cardiaque trop rapide». L'homme d'affaire avait dû être soigné à deux reprises en prison, avec un défibrillateur, selon le docteur Mitchell. Il a aussi subi l'implantation d'un défibrillateur sous-cutané.
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