Les Etats-Unis se sont retirés ce 1er février du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF), aboutissement d'une décision annoncée le 20 octobre 2018 par Donald Trump, et de l'ultimatum adressé début décembre à la Russie, lui donnant 60 jours pour s'y conformer.
Signé en 1987, le traité INF avait mis un terme à la crise des euromissiles déclenchée dans les années 1980 par le déploiement des SS-20 soviétiques à têtes nucléaires ciblant les capitales occidentales, en abolissant l'usage des missiles d'une portée de 500 à 5 500 km.
Mais depuis plusieurs mois, Washington accuse Moscou de «violations flagrantes» du traité INF et lui demande de «détruire son système de missiles non conformes», comme l'avait notamment fait savoir la sous-secrétaire d'Etat américaine chargée du Contrôle des armements et des Affaires de sécurité internationales, Andrea Thompson, mi-décembre.
Au cœur du conflit, se trouve le système de missiles 9M729, un missile terrestre pouvant être porteur d'une tête nucléaire et dont la portée dépasse 500 kilomètres – selon l'OTAN et les Etats-Unis – ce qui le ferait tomber sous le coup du traité INF. Pour le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, ces missiles pourraient en effet frapper les villes d'Europe en quelques minutes après avoir été tirés de l'intérieur depuis le territoire russe.
Moscou s'inquiète du déploiement de systèmes américains en Roumanie et en Pologne
Des accusations fermement réfutées par Moscou, qui a joué la transparence sur la question en présentant en janvier à la presse le système de missiles mis en cause par les Etats-Unis, insistant sur le fait qu'il avait une portée maximale de 480 km et qu'il respectait respectait donc le traité.
Durant une conférence à Pékin avec les autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, avait fait savoir que le dialogue bilatéral piétinait sur certains aspects car l'une des parties refusait «à dessein» de poursuivre les discussions, une référence à peine voilée aux Etats-Unis. «En ce qui concerne la Russie, il n'y a rien à nous reprocher. Nous sommes toujours prêts au dialogue sur tous les sujets, y compris sur les problèmes actuels les plus difficiles et à faire preuve de la transparence la plus totale. Nous attendons de nos partenaires la même approche», avait-il précisé.
Mais la diplomatie russe ne se faisait pas d'illusions pour autant concernant la volonté des Etats-Unis de parvenir à un terrain d'entente. Sergueï Riabkov avait ainsi noté qu'il n'y avait eu «aucune réaction» des Etats-Unis quant aux inquiétudes exprimées par la Russie concernant le développement de nouveaux missiles et drones, et sur le déploiement de systèmes américains en Roumanie et en Pologne.
Pour le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, l'intransigeance de la position américaine, due à l'incapacité de l'Occident à accepter «la réalité d'un monde multipolaire émergent» et son désir d'imposer sa volonté à la communauté internationale, fait peser des risques sur la sécurité du monde.
«Ce qui se passe est entièrement de la responsabilité de Washington», a accusé Sergueï Riabkov, affirmant être «inquiet pour le futur de la sécurité européenne et internationale».
Une décision prise «il y a longtemps à Washington»
Pour autant, Moscou n'est qu'à moitié surpris par la tournure prise par les événements, car la situation actuelle s'inscrit dans une logique antérieure à l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. «La réticence des Américains à entendre nos arguments et à mener des négociations de fond avec la Russie semble indiquer que la décision de rompre le traité avait déjà été prise il y a longtemps à Washington», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, le 1er février.
Et pour cause, dès 2015, la Russie avait fait part de son inquiétude après la publication d’un rapport du bureau du général Martin Dempsey, membre de l’état-major des armées des Etats-Unis.
Dans ce rapport, l’administration américaine faisait état de ses réflexions quant à la possibilité de déployer des missiles de portée intermédiaire en Europe et en Asie, qui seraient capable de détruire des cibles militaires sur le territoire de la Russie, en cas de dénonciation du traité INF. Le rapport mentionnait quatre types de missiles potentiels qui pourraient «aider à combler […] une lacune de capacités» due au traité.
Il était donc attendu que, dès le 20 octobre 2018 lors de l'annonce du retrait américain, Donald Trump se soit empressé d'ajouter que les Etats-Unis allaient désormais «développer ces armes [nucléaires de portée intermédiaire]».