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Salvini exige de Macron l'extradition des militants d'extrême-gauche réfugiés en France

Le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, demande à la France de lui rendre les activistes d'extrême gauche des années de plomb. Au regard de la loi française, la prescription de leurs crimes rendra les extraditions impossibles.

La tension ne cesse de monter entre Paris et Rome, après les désaccords des deux pays sur la crise migratoire survenus en juin. A cela s'ajoutent les récentes déclarations de soutien aux Gilets jaunes, Matteo Salvini, le ministre italien de l'Intérieur. Ce dernier est encore revenu à la charge en demandant à la France d’extrader d'anciens militants italiens d’extrême gauche des années de plomb, réfugiés en France, où ils ont bénéficié d'un régime de faveur. Mais dans l'Hexagone, la prescription des crimes dont ils sont accusés risque de doucher l'espoir de retour caressé par le patron de la Ligue. 

L’arrestation le 12 janvier en Bolivie du plus célèbre d’entre eux, Cesare Battisti, ex-activiste du groupe les Prolétaires armés pour le communisme, a été le point de départ de cette revendication. Le militant impliqué dans quatre homicides à la fin des années 1970 avait été condamné à 13 ans de réclusion pour appartenance à une bande armée en 1979 par la justice italienne. Il s'est évadé de prison en 1981, avant d'être condamné par contumace à la perpétuité en 1993 à la suite de dénonciations.

Il avait depuis trouvé refuge en France qui, refusant de l'extrader, l’a protégé durant 15 ans. Matteo Salvini accuse aujourd’hui l’Europe, et en particulier Paris, d’abriter quelques dizaines d’autres militants d’extrême gauche coupables d’homicides durant la période des années de Plomb en Italie.

«Souvent la France demande à l'Italie et au gouvernement italien de respecter les règles et les droits humains», a argumenté le ministre italien. «Je demanderai dès demain au chef du gouvernement Conte d'écrire au président Macron pour que la France nous restitue, après trop d'années, des délinquants qui ont pris des vies», a-t-il poursuivi.

La France accueillante pour les militants italiens des années de plomb

Pourquoi ces anciens activistes, dont certains ont été mis en cause dans des actions violentes, ont-ils choisi de s'exiler en France ? Parce que les militants des brigades rouges et autres factions d’extrême gauche y ont bénéficié d’un régime de faveur, aussi appelé «la doctrine Mitterrand». Dans les années 1980, le président de la République d'alors, avait promis de refuser l’extradition des activistes d’extrême gauche qui acceptaient d’abandonner la lutte armée, sauf si l’Italie disposait d’éléments sérieux prouvant qu’ils avaient commis des crimes de sang. Matteo Salvini, intervenant à la télévision italienne, a adressé un message à Emmanuel Macron pour qu'il mette un terme à cette tradition de tolérance, déjà égratignée par différents présidents.

«J’en appelle au président français pour qu’il extrade vers l’Italie des fugitifs, qui au lieu de boire du champagne sous la Tour Eiffel, mériteraient de pourrir en prison en Italie», a-t-il tweeté.

Même si Matteo Salvini n’a pas donné de noms, certains ex-militants vivraient en effet sur le territoire français. Selon l’hebdomadaire Marianne, le patron de la Ligue s’apprêterait à envoyer une lettre à Emmanuel Macron, pour lui réclamer 30 d’entre eux. 

La liste rouge

Dans la liste, se retrouveraient Giorgio Pietrostefani, condamné pour l’assassinat d’un commissaire de police en 1972, ou encore des membres des fameuses Brigades rouges comme Narciso Manenti condamné à la perpétuité pour le meurtre d’un policer, Simonetta Giorgieri, Carla Vendetti ou Sergio Tornaghi. Se pose aussi la question de Marina Petrella, condamnée à perpétuité en 1992 par la justice italienne. S’échappant de prison, l’Italienne avait gagné la France, qui avait accepté son extradition. Mais en raison de problèmes de santé de la captive et de fortes pressions en France, le président de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait fait volte-face. Il l’avait fait libérer pour des raisons humanitaires. 

La missive de Matteo Salvini sera une attaque de plus envers Emmanuel Macron, mais elle risque de rester lettre morte. Techniquement, la doctrine Mitterrand n’a jamais été inscrite dans la loi et la France a signé la Convention européenne d’extradition avec tous les pays de l’Union européenne. Mais pour des raisons légales, cette tradition de tolérance pourrait bien ne même pas être remise en question. En effet, la procédure d’extradition fonctionne si les crimes ne sont pas prescrits dans l’un des deux pays. Or, les faits reprochés à ces militants sont pour la plupart déjà prescrits en France, annulant de fait toute procédure, même si ce n'est pas encore le cas en Italie. 

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