Les Maliens votent ce 12 août pour élire leur président lors d'un second tour placé sous haute sécurité et sur lequel planent des soupçons de fraude, dans un pays toujours confronté à la menace djihadiste malgré cinq années d'interventions militaires internationales.
Considéré comme déterminant pour l'avenir du Sahel tout entier, le scrutin ne suscite toutefois pas les passions, la victoire semblant déjà promise au chef de l'Etat sortant Ibrahim Boubacar Keïta face à l'opposant Soumaïla Cissé.
Alors que l'opposition, qui avait contesté les résultats du premier tour du 29 juillet, a accusé dans la nuit le pouvoir d'organiser une vaste fraude pour le second tour, les bureaux de vote ont commencé à ouvrir comme prévu à 8h. Les 23 000 bureaux, pour plus de huit millions d'inscrits, doivent fermer à 18h, les résultats étant attendus dans quatre ou cinq jours.
Quelques heures plut tôt, le camp de Soumaïla Cissé a affirmé que des bulletins de vote «circul[ai]ent dans le pays». Lors d'une conférence de presse nocturne, son chef de campagne, Tiébilé Dramé, avait exhibé un carnet de cinquante bulletins censé être sous scellés mais «saisi» sur un «agent de Bamako» chargé de leur distribution.
Une opération terroriste déjouée deux jours avant le scrutin
La tension était déjà montée la veille avec l'arrestation de trois membres d'un commando, qualifié de «groupe terroriste», au moment où «il planifiait des attaques ciblées à Bamako pendant le week-end». La nature de ces attaques n'a pas été précisée mais le pays a connu ces dernières années plusieurs attentats djihadistes, contre des lieux fréquentés par des Occidentaux ou contre les forces militaires, ainsi que des enlèvements d'étrangers et de nombreuses violences intercommunautaires.
Le vainqueur du scrutin, qui entrera en fonction début septembre, aura la lourde tâche de relancer l'accord de paix conclu en 2015 avec l'ancienne rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards. L'accord avait été signé après l'intervention de l'armée française qui, en 2013, avait repris le contrôle du nord du Mali, où les djihadistes avaient imposé la charia pendant un an.
Lors du premier tour, 871 bureaux (plus de 3%) étaient restés fermés en raison de violences, empêchant près de 250 000 Maliens de voter, surtout dans le Centre et le Nord. Cette fois, quelque 36 000 militaires maliens, soit 6 000 de plus qu'au premier tour, sont mobilisés. L'armée malienne est appuyée par les Casques bleus de la mission de l'ONU (Minusma), les forces françaises de l'opération Barkhane et, dans le Nord, où l'Etat est peu ou pas présent, par des groupes signataires de l'accord de paix.
Au cours des six premiers mois de 2018, le Mali a connu une recrudescence des actes terroristes malgré le déploiement d’un dispositif militaire conséquent depuis l’intervention française en janvier 2013 contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Dans son dernier rapport trimestriel sur le Mali, le secrétaire général de l’ONU a fait part de sa préoccupation sur l’évolution de la situation sécuritaire notamment dans le centre du pays.