C'est un «jour décisif», affirme le quotidien Bild, le plus lu d'Allemagne car l'avenir du gouvernement d'Angela Merkel est en jeu. Deux réunions cruciales ont lieu dans la journée du 1er juillet. L'une a débuté à 13h à Munich au sein des instances dirigeantes du parti bavarois CSU, l'aile la plus conservatrice de la force CSU-CDU, au pouvoir en grande coalition avec les sociaux-démocrates du SPD. L'autre rencontre, qui a débuté à 17h, a lieu à Berlin et réunit le parti démocrate-chrétien de la chancelière, la CDU.
Angela Merkel qui donnera une interview à la chaîne de télévision ZDF en début de soirée, va tenter in extremis de résoudre une crise politique majeure au sein de son gouvernement de coalition provoquée par la question de l’accueil des migrants. La chancelière espère qu'un durcissement de la politique migratoire au plan européen pourra calmer les tensions qui minent l'exécutif allemand.
Les conservateurs bavarois prêts à la rupture ?
A l'issue de la réunion de son parti, Horst Seehofer, le ministre de l'Intérieur et chef de file des conservateurs bavarois, s'est dit mécontent des dernières propositions de la chancelière en matière de politique migratoire. Il a également jugé que les mesures discutées il y a une semaine lors du sommet de l’UE afin de réduire les flux migratoires n’étaient pas suffisantes. Il a d'autre part déploré qu'un entretien de conciliation qu’il a eu le 30 juin au soir avec Angela Merkel sur les migrants soit resté «sans effet». Le ministre de l'Intérieur prévoit de faire une déclaration publique en début de soirée.
Le 18 juin, Horst Seehofer avait posé un ultimatum à Angela Merkel, avec qui il avait déclaré ne plus pouvoir travailler, exigeant un net durcissement de la politique migratoire allemande. Sans cela, il menace de fermer les frontières du pays aux migrants déjà enregistrés dans un autre pays, quel que soit l'avis d'Angela Merkel. Dans une déclaration de défiance, Horst Seehofer avait prévenu : «Si le rejet immédiat des migrants à la frontière n'est pas possible, j'ordonnerai immédiatement à la police de refouler tout individu qu'il ait une interdiction d'entrée ou une interdiction de rester.» Et le ministre allemand de poursuivre : «Nous souhaitons bonne chance à la chancelière.»
Si le ministre de l'Intérieur défie la chancelière, cette dernière sera obligée de le limoger, ce qui provoquerait l'éclatement de la coalition gouvernementale, qui comprend également les sociaux-démocrates, et l'organisation probable d'élections anticipées.
Le gouvernement de coalition avait difficilement été mis en place en mars par la chancelière après les élections législatives de septembre 2017, qui avaient permis au parti anti-immigration AfD d'entrer au Bundestag.
Au sein de la CSU, les premières réactions aux résultats du sommet européen avaient été positives pour Angela Merkel. L'un des hommes forts du parti bavarois, Markus Söder, avait parlé d'un pas qui allait «absolument dans la bonne direction» et de résultats «clairement supérieurs à ce qui était attendu».
Merkel contredite par plusieurs pays européens
L'Allemagne a obtenu de la Grèce et de l'Espagne que ces pays reprennent les migrants enregistrés au préalable dans ces deux pays arrivant chez elle. Dans la foulée, Angela Merkel a annoncé le 30 juin avoir obtenu des accords de principe similaires de la part de 14 autres pays de l'UE. Cependant, les assurances de la chancelière ont été immédiatement remises en cause par trois des pays figurant sur sa liste, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne. Ces trois Etats farouchement opposés à la politique d'accueil des migrants longtemps généreuse d'Angela Merkel, ont démenti tout accord. Le Premier ministre tchèque Andrej Babis a parlé d'un «non-sens total» dans un communiqué, affirmant qu'il rejetait «fermement» toute négociation sur le sujet.
Cette déclaration a immédiatement suscité la méfiance en Allemagne où un autre dirigeant de la CSU, Alexander Dobrindt, s'est montré très circonspect à l'égard du plan de la chancelière. «Compte tenu des déclarations contradictoires en provenance de certains Etats de l'UE, le doute est permis sur la portée réelle des décisions du sommet de l'UE», a-t-il confié au quotidien Bild.
Autre élément qui ne va pas vraiment arranger les affaires d'Angela Merkel, l'Autriche dont le gouvernement s'apprête à prendre la tête de la présidence de l'UE, et défend sur le dossier des migrants les positions dures des Etats du groupe de Visegrad.