Une dizaine de jours avant le sommet européen qui réunira à Bruxelles les dirigeants des pays membres de l'UE, Emmanuel Macron et Angela Merkel se rencontrent ce 19 juin au château de Meseberg, à Berlin. L'occasion, pour le président de la République française et la chancelière allemande, d'afficher un front uni face à un nombre croissant de gouvernements jugés populistes au sein de l'Union européenne. L'enjeu est d'autant plus important qu'Emmanuel Macron avait fait de la cause européenne un axe majeur de sa campagne présidentielle, et qu'Angela Merkel se trouve actuellement en difficulté au sein même de son gouvernement, sur le dossier très européen de la crise des migrants.
Seul hic : le fameux couple franco-allemand ne semble pas en si bonne forme, au vu de l'accumulation des divergences entre Paris et Berlin.
Réforme de la zone euro : Merkel ne suit pas Macron
Côté français, Emmanuel Macron souhaite la création d’un fonds monétaire européen, d’un budget, d’un Parlement et d’un ministre des Finances de la zone euro. Le locataire de l'Elysée mise par ailleurs sur l’aboutissement de l’union bancaire, un projet en panne sèche depuis 2012. Alors qu'il effectuait son premier grand oral devant le Parlement européen le 17 avril, le président français avait jugé la réforme de la zone euro «indispensable avant la fin de cette mandature».
Côté allemand, malgré des concessions symboliques accordées à Emmanuel Macron par Angela Merkel, celle-ci a fixé une ligne rouge pour réformer la monnaie unique. En effet, si elle admet le «besoin d'une plus grande convergence économique entre Etats membres au sein de la zone euro», la chancelière a récemment rappelé que la solidarité entre partenaires de la zone euro ne devait pas conduire à «une union de l'endettement».
Crise migratoire : Berlin et Paris peu lisibles
Le récent refus de l'Italie d'accueillir des bateaux de migrants sur ses côtes a ravivé les tensions à l'échelle européenne – et dévoilé un manque de clarté tant côté français qu'allemand. Si Paris n'a pas souhaité proposer d’accueillir l'Aquarius que Malte et l'Italie refusaient de laisser accoster, Emmanuel Macron a néanmoins dénoncé «la part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien», provoquant un début de crise entre la France et l'Italie.
Le dossier migratoire n'est pas moins brûlant outre-Rhin, où le ministre de l'Intérieur allemand a lancé un ultimatum à sa chancelière, lui demandant notamment le droit de pouvoir renvoyer d'Allemagne des migrants déjà enregistrés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, une requête allant à l'encontre de la politique d'ouverture défendue par Angela Merkel depuis 2015. Le 18 juin, la chancelière allemande recevait le chef du gouvernement italien, dont la perception de l'immigration est à l'opposé de la sienne. Bon gré mal gré, Angela Merkel a dû se montrer conciliante avec son homologue.
En d'autres termes : Berlin et Paris, embourbés dans des positions peu lisibles sur la question migratoire, échouent à proposer une éventuelle alternative au discours et à la politique clairement anti-immigration des pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), désormais rejoints par Vienne et Rome.
Défense : Macron plus proche de l'Atlantique que du Rhin
Enfin, dans le domaine de la politique étrangère, Paris et Berlin ont également affiché au cours de ces derniers mois certaines divergences. En particulier : dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, dans le cadre d'une opération conjointe avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, Emmanuel Macron décidait de faire participer la France à une série de frappes en Syrie, un choix qui avait provoqué une vague d'indignation au sein du paysage politique français, certains ne tardant pas à dénoncer une décision répondant à un agenda atlantiste.
De son côté, si l'Allemagne affirmait «soutenir tout ce qui est fait pour signifier que l'utilisation d'armes chimiques est inacceptable», Angela Merkel avait toutefois annoncé plusieurs jours avant le projet d'opération militaire que Berlin n'y participerait pas.
Dans les jours suivant cet épisode, qui a révélé l’absence d'unité franco-allemande et plus largement européenne, le directeur du Centre européen d'analyses stratégiques, Philippe Migault, analysait pour RT France les difficultés pour le couple franco-allemand de s'accorder sur les questions de défense.
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