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Sur fond de graves tensions en Syrie, la confrontation entre la Russie et les Etats-Unis se poursuit

Prenant comme motif l'attaque chimique présumée du 7 avril dernier dans le nord de la Ghouta, les Occidentaux menacent de frapper la Syrie. Moscou, allié de Damas, se dit prêt à contrer toute attaque qui ne serait pas conforme au droit international.

Vendredi 13 avril

L'ambassadeur russe à l'ONU Vassili Nebenzia a déclaré le 13 avril : «Tout ce qui intéresse les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, c'est de renverser le gouvernement syrien», lors d'une réunion du Conseil de sécurité convoquée par la Russie sur la Syrie.

«Pourquoi semez-vous le chaos au Moyen-Orient ?», a-t-il demandé. «Seul le Conseil de sécurité a l'autorité de prendre des mesures» contre la Syrie si le recours à des armes chimiques est avéré, a ajouté le diplomate russe en questionnant la légalité internationale d'éventuelles frappes occidentales en Syrie.

Le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, a demandé vendredi «un débat sans vote» à l'Assemblée nationale sur d'éventuelles frappes de représailles en Syrie, exhortant l'exécutif à agir sur ce sujet «avec beaucoup de sang-froid».

«On est sur un sujet extrêmement grave où il y a un vrai risque d'embrasement mondial», a souligné Christian Jacob sur Europe 1 qui a ajouté : «Moi ce que je souhaite c'est que, si une décision doit être prise, elle doit être prise avec beaucoup de sang-froid et je pense que ça justifierait qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale.»

«Aucune décision finale n'a été prise» par le président américain Donald Trump a indiqué la Maison Blanche dans un communiqué, à l'issue d'une réunion de ce dernier avec son équipe de conseillers à la sécurité nationale.

«Nous continuons d'évaluer les renseignements et sommes engagés dans des discussions avec nos alliés», poursuit le communiqué, précisant que Donald Trump devrait s'entretenir avec le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Theresa May.

Plus tôt le 12 avril, le président américain était resté vague sur le timing d'une éventuelle frappe contre la Syrie dans un message sur Twitter : «Je n'ai jamais dit quand une attaque contre la Syrie aurait lieu. Ce pourrait être très bientôt ou pas si tôt du tout !»

Jeudi 12 avril

La Russie a demandé que le Conseil de sécurité de l'ONU se réunisse le 13 avril pour discuter de la menace d'une action militaire menée par les Etats-Unis en Syrie, ont fait savoir des diplomates.

«La priorité est d'éviter le danger d'une guerre», a déclaré l'ambassadeur russe à l'ONU Vassili Nebenzia lors d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité consacrée à la Syrie. Il a ajouté que la «la situation en Syrie [était] très dangereuse». Alors qu'on lui demandait s'il faisait référence à un danger de guerre entre la Russie et les Etats-Unis, l'ambassadeur a répondu : «Nous ne pouvons malheureusement exclure aucune possibilité». 

Donald Trump a annoncé que des décisions sur la Syrie seraient «bientôt» prises. Toutefois, trois jours auparavant, le 9 avril, le président américain avait déjà déclaré que des «décisions majeures» interviendraient dans les 24 à 48 heures.

Cité par l'agence Ifax, le responsable du comité de Défense de la Douma (chambre basse du parlement russe) Vladimir Chamanov a annoncé ce 12 avril que les navires russes avaient quitté leur base navale de Tartous en Syrie «pour leur propre sécurité».

Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a fermement condamné, de façon générale, l'utilisation d'armes chimiques. «Nous appelons le régime syrien et ses soutiens, à permettre un accès total des équipes médicales et aux observateurs internationaux», a-t-il ajouté de façon plus spécifique. «Ceux qui sont responsables doivent rendre des comptes», a-t-il encore martelé, cité par Reuters, alors que l'implication de l'armée syrienne dans l'attaque chimique de la poche de Douma (Ghouta orientale) le 7 avril dernier n'est toujours pas établie.

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La chancelière allemande Angela Merkel a jugé «évident» que Damas disposerait encore d'un arsenal chimique, bien que les stocks d'armes chimiques syriennes aient été mis sous séquestre par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques dès 2014. Entre 2011, début des troubles en Syrie et 2014, il est en outre possible que certaines de ces munitions soient tombées aux mains des rebelles.

«Nous devons maintenant reconnaître qu'il est évident que la destruction (des armes chimiques syriennes] n'a pas été totale», a encore ajouté Angela Merkel, citée par l'AFP. La dirigeante allemande a toutefois souligné cependant que Berlin ne participerait pas à des actions militaire contre la Syrie.

Le président américain Donald Trump a de nouveau évoqué ce 12 avril sur Twitter la possibilité d'une frappe américaine en Syrie. «Je n'ai jamais dit quand une attaque contre la Syrie aurait lieu. Ce pourrait être très bientôt ou pas si tôt du tout ! En tout cas, les Etats-Unis, sous mon administration, ont fait un excellent travail pour débarrasser la région de l'Etat islamique. Où est notre "Merci Amérique"?», a tweeté le locataire de la Maison blanche.

Le président syrien Bachar el-Assad a mis en garde ce 12 avril contre toute action occidentale en Syrie, qui «déstabiliserait d'avantage» la région, ont rapporté ses services alors que les puissances occidentales, notamment Washington, brandissent la menace de nouvelles frappes.

«Toute action ne contribuera qu'à déstabiliser davantage la région», a encore averti le président syrien alors qu'il recevait à Damas Ali Akbar Velayati, le conseiller du guide suprême iranien, selon les comptes de la présidence syrienne sur les réseaux sociaux.

Le Kremlin a assuré ce 12 avril que le canal de communication entre militaires russes et américains au sujet de leurs opérations en Syrie, destiné à éviter les incidents, était actuellement «actif», alors que Washington a menacé la vieille de frapper Damas.

Ce canal, qui repose notamment sur une ligne téléphonique spéciale, «se trouve dans un état actif et la ligne est utilisée des deux côtés», a précisé aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

La chaîne d'information canadienne Radio-Canada a rapporté ce 11 avril que le Premier ministre Justin Trudeau n'envisageait pas de se joindre à d'éventuelles frappes occidentales en Syrie. «Le Canada s’implique déjà dans le nord de l’Irak contre l’Etat islamique. On a une présence [annoncée] au Mali, on a une présence en Lettonie contre les Russes pour l’OTAN. On n’est pas en train de regarder d’être présent en Syrie », a précisé le Premier ministre canadien.

L'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), organisation chargée de la sécurité de la navigation aérienne, a appelé ce 11 avril les avions civils survolant la Méditerranée orientale à être vigilants. Elle a prévenu les compagnies aériennes concernées de «possibles frappes aériennes ou tirs de missiles de croisière en Syrie dans les prochaines 72 heures». L'EASA a précisé que le fonctionnement de l’équipement de radio-navigation des appareils risquait d’être perturbé de façon intermittente si des opérations militaires devaient avoir lieu.

Mercredi 11 avril

La Bolivie réclame une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour ce 12 avril, pour évoquer la menace d'une action militaire contre la Syrie, ont fait savoir des diplomates le 11 avril.

La Bolivie – qui a soutenu le 10 avril la Russie lors de votes au Conseil concernant Damas – explique que cette réunion à huis clos devrait porter sur «l'escalade récente de la rhétorique concernant la Syrie et la menace d'employer des actions unilatérales».

Lors de la réunion du Conseil de sécurité du 10 avril, la Bolivie s'était en effet opposée au projet de résolution américain. Son ambassadeur Sacha Llorenti avait appelé à ce que les responsables d'attaques chimiques rendent des comptes. A cet égard, il avait rappelé toute sa confiance en l'OIAC (l'Organisation internationale sur les armes chimiques) pour mener l'enquête.

Ciblant les Etats-Unis, il avait dénoncé les «menaces d'utilisation de la force et la menace de mesures unilatérales qui vont à l'encontre de la charte des Nations unies». «C'est illégal et contraire aux principes de la charte», avait-il poursuivi.

Le président russe Vladimir Poutine a appelé, le 11 avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à «s'abstenir de toute action qui déstabiliserait encore plus la situation» en Syrie après les frappes israéliennes contre une base militaire le 9 avril.

Le président russe a «insisté sur l'importance du respect de la souveraineté de la Syrie», ajoute le communiqué du Kremlin, qui précise que les deux chefs d'Etat «ont discuté des récentes frappes de l'aviation israélienne contre la base aérienne T-4».

Le Kremlin a taclé ce 11 avril l'habitude de Donald Trump de s'exprimer sur Twitter. «Nous ne participons pas à la twitto-diplomatie. Nous sommes partisans d'approches sérieuses», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov, cité par les agences russes lui demandant de commenter les derniers messages du président américain.

«Nous estimons toujours qu'il est important de ne pas mener des actions qui pourraient nuire à une situation déjà fragile», a-t-il ajouté. Dimitri Peskov a également rappelé que l'attaque chimique présumée de Douma (dans la Ghouta, à l'est de la capitale syrienne), le 7 avril dernier, était instrumentalisée, selon Moscou, par les Etats-Unis. «Nous sommes convaincus que l'utilisation d'armes chimiques à Douma a été inventée, et ne peut être utilisée comme prétexte pour avoir recours à la force», a-t-il prévenu.

L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) tiendra une réunion d'urgence le 16 avril 2018 pour évoquer l'attaque chimique présumée de Douma du 7 avril dernier.

L'OIAC, basée à La Haye aux Pays bas, a d'ores et déjà annoncé le 10 avril l'envoi d'une équipe dans cette dernière poche tenue par les rebelles salafistes de Jaïch al-Islam pour enquêter. Il a été demandé aux autorités syriennes, par ailleurs demandeuses d'une telle enquête, «de faire les arrangements nécessaires pour ce déploiement». «Cela coincide avec la requête de la République arabe syrienne et de la Fédération de Russie d'enquêter sur les allégations de l'utilisation d'armes chimiques à Douma», a précisé l'OIAC, citée par Reuters.

D'après Reuters, le Pentagone a annoncé par la voix du secrétaire américain à la Défense Jim Mattis, ce 11 avril, avoir planché sur les différentes options militaires en Syrie et s'est dit prêt à les présenter au président américain Donald Trump. Il a cependant précisé que les Etats-Unis étaient «encore en train d'évaluer» les informations sur l'attaque chimique présumée du 7 avril, à Douma.

Le Premier ministre britannique Theresa May explique que «tout signale que le régime syrien est responsable de l'attaque chimique» qui se serait produite à Douma. Pour autant, la dirigeante hésite à se joindre à une éventuelle action militaire, disant avoir besoin de plus de preuves.

Citée par l'agence RIA, l'armée russe a signalé que les échantillons récupérés sur le lieu de l'attaque chimique présumée en Syrie ne contenait pas de «substances toxiques».

L'armée russe explique que les Etats-Unis «feraient mieux de reconstruire la ville en ruines de Raqqa plutôt que de parler de lancement de missiles».

L'armée russe, citée par l'agence TASS, a fait savoir que l'attaque chimique supposée à Douma en Syrie avait été «mis en scène» par les Casques blancs syriens.

La Syrie a dénoncé ce 11 avril comme une «escalade dangereuse» les menaces de frappes du président américain Donald Trump contre son territoire, selon l'agence officielle syrienne Sana.

«Nous ne sommes pas étonnés par cette escalade dangereuse en provenance d'un régime comme celui des Etats-Unis qui a parrainé et parraine encore le terrorisme en Syrie», a fait savoir une source du ministère des Affaires étrangères, citée par Sana.

Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré ce 11 avril espérer que «toutes les parties éviteront tout acte qui ne serait en réalité en aucun cas justifié et qui pourrait déstabiliser la situation, déjà fragile sans cela dans la région», se référant aux éventuelles frappes américaines en Syrie, en réponse à l'attaque chimique présumée du 7 avril à Douma. 

Alors que les forces armées syriennes, avec l'appui de la Russie, ont reconquis la quasi-totalité de la Ghouta, les Occidentaux menacent de frapper la Syrie. L'armée syrienne est en passe de venir à bout des groupes armés rebelles dans cette enclave située à l'est de la capitale syrienne. Reste une dernière poche sous le contrôle des combattants salafistes de Jaich al-Islam (Armée de l'islam). 

Bien que leur objectif de guerre déclaré ait été initialement la lutte contre Daesh, et plus largement contre le terrorisme, depuis le 7 avril, les Occidentaux accusent une fois de plus Damas d'avoir fait usage d'armes chimiques. Malgré l'absence de preuves, les Etats-Unis et la France envisagent de frapper la Syrie. 

Le 11 avril, en réponse à ces menaces, la Russie a fait savoir qu'elle prendrait des mesures militaires défensives en cas d'attaque. «Tout missile américain tiré sur la Syrie sera abattu», a prévenu le 10 avril l'ambassadeur russe au Liban Alexandre Zassypkine. Et d'ajouter : «S'il y a une frappe des Américains, alors... leurs missiles seront détruits et même les sites à partir desquels les missiles auront été tirés.»

Bruits de bottes

Au cours des derniers jours, les signaux d'une probable intervention des Etats-Unis, appuyée par la France, contre Damas se sont multipliés. L'Agence européenne pour la sécurité aérienne (EASA) a ainsi émis le 10 avril un message clair de mise en garde, invoquant «de possibles frappes aériennes en Syrie [...] dans les 72 heures à venir».

Le destroyer lance-missile USS Donald Cook a quitté le 10 avril le port chypriote de Larnaca, où il faisait escale, et se trouve dans une zone d'où il peut facilement frapper la Syrie. D'après Reuters, le Pentagone a annoncé ce 11 avril avoir planché sur les différentes options militaires et s'est dit prêt à les présenter à Donald Trump.

Moscou dénonce pour sa part l'utilisation d'un prétexte. D'autant plus que la situation dans la Ghouta orientale, enclave jusque récemment aux mains des groupes armés rebelles islamistes, est «totalement stabilisée», d'après le général russe Victor Poznikhir. Celui-ci a également annoncé le 10 avril 2018 le déploiement de la police militaire russe. «Les forces armées russes achèvent leur opération humanitaire massive conjointement avec les forces gouvernementales syriennes», a-t-il précisé.

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