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Dix ans de dépendance : les espoirs déçus du Kosovo

Dix ans après son indépendance, le Kosovo reste un pays pauvre, plombé par la corruption et sous la tutelle de puissances étrangères. Quant à l'UE, elle ne parvient pas à respecter sa promesse d'intégrer ce petit pays et de stabiliser la région.

Ce 17 février, le Kosovo, cet ex-territoire de la défunte fédération de Yougoslavie, célèbre les 10 ans d'une indépendance obtenue au prix d'un conflit particulièrement violent. Cet Etat de 10 800 kilomètres carrés (à peine plus que le département de la Gironde), qui n'est toujours pas membre de l'Organisation des Nations unies (ONU), demeure pourtant aujourd'hui dans un état de forte dépendance, qu'amplifie une économie exsangue.

«Le Kosovo est le pays le plus pauvre d'Europe du Sud-Est, avec un PIB par habitant de 3 200 euros», constatait ainsi la Direction générale du Trésor français, dans une note datée de 2017. «L’appareil de production kossovar est peu développé, contraint par des infrastructures routières et énergétiques inadéquates et par un manque de ressources naturelles», notaient encore les économistes de Bercy. Ils soulignaient en outre que le pays survivait en grande partie grâce aux transferts d'argent de la diaspora : près d'un tiers des ressortissants kossovars vivent en dehors du pays.

Un pays indépendant... mais sous tutelle de l'UE, de l'OTAN et du FMI

Loin d'être parvenu à sortir la crise après 2008, le Kosovo stagne dans un état de statu quo que troublent encore de vives tensions. Le pays s'enlise notamment dans une guérilla sans fin en Métochie, la partie serbe de l'Ouest du pays.

Comme l'Ukraine depuis 2014, le Kosovo est l'une de ces zones de conflit gelé au cœur même de l'Europe, signe que l'objectif de stabilisation et de paix affiché par les soutiens de son indépendance en 2008 est très loin d'être atteint. A bien des égards, le pays ressemble moins à un Etat indépendant qu'à une véritable marche aux confins de la sphère d'influence de l'Union européenne et de l'OTAN, cette dernière poursuivant avec constance son objectif d'extension vers l'Est

Symptôme d'une souveraineté toute relative, l'OTAN, qui avait pourtant contribué à l'éclatement de la Yougoslavie et à l'indépendance du Kosovo, a dissuadé Pristina en février 2017 de se doter d'une armée nationale. Pour ce faire, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Alliance, s'était entretenu en urgence avec le président du Kosovo, Hashim Thaçi, et le Premier ministre de l'époque, Isa Mustafa, à l'occasion d'une rencontre aux airs d'avertissement. «Je leur ai fait comprendre que des démarches unilatérales telles que celle-ci étaient inutiles», avait commenté Jens Stoltenberg.

Dès 2009, sous la pression des Occidentaux, soucieux de donner un coup de pouce à sa reconnaissance internationale, le Kosovo a adhéré au Fonds monétaire international (FMI), pour être aussitôt mis sous perfusion. En 2017, le FMI a ainsi consenti à lui prêter quelque 186 millions d'euros, malgré la corruption qui gangrène l'Etat et la persistance d'une mafia très influente. «L’Etat de droit est un des grands défis du pays, en raison de l’insuffisante indépendance du secteur judiciaire et de la corruption», euphémise la Direction générale du Trésor français, poursuivant : «Le Kosovo est l’Etat perçu comme le plus corrompu de la région des Balkans, le pays occupant le 103e rang mondial du classement de l’index de perception de la corruption de Transparency International».

L'adhésion à l'UE : une lointaine promesse encore loin d'être tenue

Le 9 février, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pyeongchang, la délégation du Kosovo a défilé aux couleurs de son drapeau, dont les étoiles et les couleurs rappellent celles du drapeau européen – une coïncidence ironique tant la candidature du Kosovo au club européen piétine.

Si Bruxelles continue à présenter l'adhésion du Kosovo comme un objectif à moyen terme, les Etats membres ont toutefois dû mettre de l'eau dans leur vin. En effet, l'admission de ces nouveaux Etats nés de la partition de la Yougoslavie, à l'instar du Monténégro, n'est pas sans embûches pour l'UE et ne fait qu'accroître les tensions dans les Balkans. Pour ne pas risquer de se mettre à dos cette zone hautement stratégique, et de la voir ainsi se tourner vers la Russie ou la Chine, l'UE tempère et tente de ménager la Serbie, grande perdante de la guerre de Yougoslavie.

L'adhésion de Belgrade constitue d'ailleurs l'un des points les plus révélateurs de l'absence d'unité au sein même de l'UE. Le 14 février dernier, par l'entremise du ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, Bruxelles avait rappelé la Serbie à l'ordre : «Si la Serbie veut se rapprocher de l’Union européenne, la construction d’un Etat de droit est une priorité, mais elle doit également accepter l’indépendance du Kosovo », a martelé le chef de la diplomatie allemande. Sigmar Gabriel semblait pourtant oublier que cinq Etats membres de l'UE ne reconnaissent pas le Kosovo, notamment ceux d'entre eux qui sont concernés par des risques sécessionnistes, comme l'Espagne.

Pendant ce temps, le Kosovo tente tant bien que mal de suivre sa propre voie politique, quitte à s'engager sur un chemin quelque peu délicat. En septembre 2017, le pays s'est doté d'un nouveau premier ministre, Ramush Haradinaj, ancien rebelle albanais inculpé à deux reprises par le Tribunal pénal international de La Haye avant d'être blanchi mais toujours considéré comme criminel de guerre par la Serbie. Alors que les ambitions de Bruxelles nécessiteraient idéalement un apaisement des relations entre Belgrade et Pristina, cet épisode vient compliquer encore un peu plus la situation.

En 2007, Le Monde diplomatique, évoquant l'indépendance prochaine du Kosovo aux dépens de la Serbie, s'inquiétait d'une «bombe à retardement» dans les Balkans. Les soutiens de Pristina assuraient au contraire que le Kosovo indépendant serait un gage de stabilité autant qu'un espoir pour ses habitants : dix ans plus tard, près d'un habitant sur six vit sous le seuil de pauvreté et les discours prometteurs de l'Occident n'ont pas permis au pays de panser les plaies de la guerre ni à la région de trouver une stabilité tant espérée.

Alexandre Keller

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