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Israël, Turquie et Syrie : regain de tension entre les acteurs régionaux, Moscou appelle au calme

Opération militaire turque contre les Kurdes soutenus par Washington, ou encore offensive de Tsahal contre des cibles iraniennes : alors que Daesh recule, les intérêts des acteurs régionaux s'affrontent en Syrie, provoquant un regain de tensions.

A la tête d'une intervention militaire contre Daesh en Syrie sur invitation du gouvernement de Damas, la Russie s'est dite préoccupée par les attaques de l'armée israélienne contre des cibles «iraniennes» en Syrie, y voyant un facteur supplémentaire de déstabilisation.

Dans un communiqué diffusé par le ministère russe des Affaires étrangères le 10 février, Moscou a appelé tous les acteurs régionaux à «faire preuve de retenue et [à] éviter tout acte qui pourrait compliquer davantage la situation».

Alors que Washington, Ankara ou encore Tel-Aviv mènent diverses opérations militaires sur le sol syrien sans disposer de mandat de l'ONU et sans y avoir été convié par Damas, la Russie a appelé au respect de la souveraineté de la Syrie et des autre nations dans la région.

«Notre première préoccupation est la menace d'accroissement des tensions dans et autour des zones de désescalade en Syrie, dont la création est devenue un facteur important pour la réduction des violences sur le sol syrien», peut-on encore lire dans le communiqué. La mise en place de ces quatre zones avait été soutenue par la Russie, la Turquie et l'Iran dans le cadre de tentatives de négociation pour une transition pacifique en Syrie.

Israël en guerre contre l'Iran via la Syrie ?

Alors que les tentatives diplomatiques se poursuivent pour tenter d'amorcer une sortie de crise en Syrie, comme fin janvier à Sotchi, où une rencontre entre des représentants de l'opposition et du gouvernement syrien s'est tenue en parallèle du processus de Genève, les tensions impliquant des acteurs régionaux ont connu un net regain le 10 février.

Israël, qui a déjà mené des frappes sporadiques, notamment contre des cibles de l'armée syrienne ou des convois d'armes à destination du Hezbollah (allié de Damas dans la lutte contre les groupes djihadistes), a lancé une attaque d'envergure contre des cibles «iraniennes» sur le sol syrien.

Tsahal a justifié son action en accusant un drone iranien lancé depuis la Syrie d'avoir violé son espace aérien. Celui-ci aurait été abattu par un hélicoptère israélien, d'après l'armée, qui a publié sur Twitter une vidéo de la destruction présumée.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi, a dénoncé les «mensonges» d'Israël, destinés selon lui à «couvrir ses crimes dans la région».

Huit appareils israéliens ont en tout cas lancé une attaque en Syrie en guise de représailles. Mais un F-16 de Tsahal a été abattu après avoir essuyé des tirs du dispositif syrien de défense anti-aérienne durant l'opération.

Les deux pilotes, qui se sont éjectés, ont été hospitalisés. Selon l'armée israélienne, l'un d'eux est dans un état grave et l'autre a été légèrement blessé.

L'aviation israélienne a alors lancé une seconde vague de raids contre trois batteries de défense anti-aériennes syriennes et quatre cibles «appartenant au dispositif militaire iranien en Syrie», selon les termes employés par Tsahal.

Le Hezbollah choisit son camp

Tandis que la Syrie et Israël restent officiellement en guerre, l'opposition de l'Etat hébreu à son rival iranien n'est pas un secret. Le Premier ministre israélien n'a en effet de cesse de mettre en garde contre l'influence de l'Iran, allié de Damas en Syrie, dans la région.

Dans ce contexte, le Hezbollah libanais, que Tel-Aviv soupçonne d'être financé par l'Iran, et dont des combattants luttent contre Daesh aux côtés des forces de Bachar el-Assad en Syrie, a choisi son camp.

Dans un communiqué cité par Reuters, le groupe chiite s'est félicité du «début d'une nouvelle phase stratégique» en Syrie, estimant que l'épisode du F-16 israélien abattu amènerait à une limitation de l'exploitation de l'espace aérien syrien par Israël.

Un porte-parole du Pentagone, cité par Reuters, a pour sa part fait savoir qu'il soutenait le «droit d'Israël à se défendre», tout en précisant ne pas avoir participé à l'opération menée par l'Etat hébreu en Syrie.

La Turquie pas en reste

Si un pic de tension a été atteint entre Israël d'un côté, et la Syrie et son allié iranien de l'autre, un autre incident a eu lieu le 10 février, impliquant une autre puissance régionale, pas non plus en reste dans le conflit : la Turquie.

L'un de ses hélicoptères, qui participe à une campagne militaire contre les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) dans la ville syrienne d'Afrin depuis le 20 janvier, a été abattu, probablement par ces derniers selon Reuters. Deux militaires turcs ont été tués.

Ankara considère les YPG comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection contre le pouvoir central turc et est considéré comme «terroriste» par celui-ci.

Si les YPG font les frais de l'intervention d'Ankara, qui coopère dans ce cadre avec ses alliés au sein des rebelles syriens, ils sont pourtant les alliés d'un autre membre de l'OTAN, les Etats-Unis, dans la lutte contre Daesh. Mais cela n'empêche pas Recep Tayyip Erdogan d'envisager la conduite de son offensive face aux Kurdes en Syrie, puisqu'il a fait savoir le 8 février qu'il entendait poursuivre le même type d'opération à Idlib.

Après le recul de Daesh, la résurgence des luttes entre acteurs régionaux ?

Malgré le net recul de Daesh en Syrie ces derniers mois, sous les coups de boutoir de l'armée syrienne épaulée par l'aviation russe, et la relance des négociations pour sortir de la crise, la résurgence des luttes d'intérêts entre les différents acteurs régionaux, au détriment de la souveraineté de la Syrie, semble pour l'heure faire voler en éclat les perspectives de paix dans le pays.