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Faute de lecteurs, la version allemande de Charlie Hebdo cesse de paraître

Profitant de l'intérêt suscité auprès du public allemand par les attaques de 2015, Charlie Hebdo avait lancé sa version allemande il y a un an exactement. Tirant à 200 000 exemplaires pour son premier numéro, elle s'est très vite essoufflée.

Cela aura été une aventure éditoriale de courte durée : après une année de publication outre-Rhin, l'édition allemande de Charlie Hebdo cesse de paraître. Lancée le 1er décembre 2016, la version germanophone de l'hebdomadaire satirique n'est pas parvenue à trouver sa place auprès du lectorat allemand.

Le dessinateur Riss, interrogé sur France Info il y a un an, quelques jours avant la parution du tout premier numéro qui représentait la chancelière allemande aux toilettes, expliquait quil y a[vait] une vraie curiosité en Allemagne pour Charlie Hebdo». Force est d'admettre que son constat a été démenti par les faits. Si la rédaction allemande ne communique aucun chiffre concernant les ventes, nul doute que celles-ci sont insuffisantes pour lui permettre de continuer à exister. 

«Nous ne savions pas de combien de lecteurs un journal papier a besoin pour être rentable aujourd'hui : trop en tout cas pour que nous prolongions notre visite chez vous», lit-on sous la plume des rédacteurs en chef Gérard Biard et Minka Schneider dans le dernier numéro à paraître ce 30 novembre. Pour le premier tirage allemand, Charlie Hebdo avait vu grand : 200 000 exemplaires.

Un fossé culturel sous-estimé ?

Le 1er décembre 2016, à l'occasion de son premier numéro, Charlie Hebdo version allemande avait représenté Angela Merkel aux toilettes, un exemplaire de l'hebdomadaire satirique entre les mains : un an plus tard, la même chancelière, désormais en sérieuse difficulté politiquement, apparaît pourchassée par le journal, en train de s'écrier : «Ca suffit !» En outre, au-dessus de ce croquis du dessinateur Juin, on lit : «Harcelée pendant un an.»

Paradoxalement, si Charlie Hebdo continue d'afficher son opposition à Angela Merkel sur sa dernière une, il ne sera pas parvenu à se tailler, dans le paysage politique allemand, la même place qu'en France. Cet échec auprès d'un lectorat allemand pourtant grand consommateur de presse écrite (il s'imprime plus de 350 titres et près de 25 millions d’exemplaires par jour en Allemagne) laisse penser que la rédaction de Charlie Hebdo n'a pas pris la juste mesure de la différence culturelle entre les deux pays.

«Ca n'a pas été aisé pour nous de vous comprendre, tout comme il ne vous a pas été toujours facile de nous comprendre», concèdent Gérard Biard et Minka Schneider dans leur ultime edito. Composé en partie de traductions d'articles et de dessins de la version française, mais aussi de contenus originaux, Charlie Hebdo version allemande n'a pas su se défaire de son image provocatrice, que les Allemands semblent peu goûter. La curiosité et la compassion suscitées par les attentats de 2015 n'auront pas suffi à garantir le succès de cette entreprise éditoriale rapidement avortée.

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