Emmanuel Macron a-t-il comme stratégie de semer la zizanie en Europe de l'Est ? Pour la la présidente polonaise du Conseil des ministres Beata Szydlo, le président français fait preuve d'«arrogance», qu'elle a attribuée à son «inexpérience». «Je lui conseille de se concentrer sur les problèmes de son propre pays», a-t-elle déclaré. Et d'ajouter «Il réussira alors peut être à avoir les mêmes résultats économiques et le même niveau de sécurité de ses citoyens que ceux garantis par la Pologne», faisant allusion à la menace terroriste. Tout a commencé un peu plus tôt, ce 25 août 2017, alors qu'Emmanuel Macron, accusait sans ambages les dirigeants polonais d'isoler leur peuple du reste de l'Union européenne.
«Le peuple polonais mérite mieux que cela et la Première ministre aura beaucoup de mal à expliquer qu'il est bon de mal payer les Polonais», a-t-il lancé, en présence du chef d'Etat bulgare. A l'origine de l'ire présidentielle, Beata Szydlo avait la veille opposé une fin de non-recevoir à la requête d'Emmanuel Macron, lequel, conformément à ses promesses de campagne, milite pour un durcissement de la directive européenne dite des travailleurs détachés. «Nous défendrons jusqu'au bout notre position, parce que c'est une position qui est dans l'intérêt des travailleurs polonais», avait encore martelé la dirigeante polonaise, coupant l'herbe sous le pied d'Emmanuel Macron. Ce dernier boucle en effet ce 25 août en Bulgarie sa tournée d'évangélisation en Europe de l'Est contre cette directive européenne.
Dumping social
Pourtant le dispositif européen, mis en place en 1996 afin de favoriser la mobilité des travailleurs, ne concerne que les cotisations sociales, lesquelles échappent aux pays hôte. Contrairement à l'assertion d'Emmanuel Macron, les travailleurs étrangers – polonais par exemple – bénéficient en France du salaire minimum, mais il est exact que le système de protection sociale français souffre lui d'un manque à gagner.
La réglementation fait en outre l'objet de nombreux contournements : non-déclaration, rémunérations très inférieures au Smic, dépassement des durées maximales de travail ou hébergement indigne. Il favorise selon ses détracteurs la mise en concurrence des travailleurs entre eux.
Dans une première réaction à Varsovie aux accusations d'Emmanuel Macron, le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowski, a ironisé en soulignant que la Pologne n'était pas isolée. «J'ai à mes côtés les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de la Roumanie, et il y a peu j'ai dit au revoir au secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg», a-t-il fait valoir ce 25 août 2017. «La Pologne ne s'isole pas et n'est pas isolée», a-t-il déclaré. Et d'asséner : «[Emmanuel Macron] ne sait pas ce qui se passe dans notre partie de l'Europe.»
Les déclarations d'Emmanuel Macron pourraient en effet se révéler contre-productives et braquer un peu plus la Pologne ainsi que les autres pays du groupe de Visegrad : la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. Depuis le début de la crise migratoire en 2015, ces pays se montrent en effet très critiques à l'égard de Bruxelles. Les tancer à la fois sur leur refus d'accueillir des migrants et les rendre responsables du chômage de masse en France pourrait compliquer encore la gouvernance de l'Union européenne.
En Roumanie, lors de la même tournée, plutôt que de sermonner sur le travail détaché, Emmanuel Macron avait préféré critiquer son propre pays. «Les Françaises et les Français détestent les réformes [...] C'est un peuple qui déteste cela», avait-il alors déploré, suscitant un tollé, notamment dans le monde syndical.
Alexandre Keller