Référendum en Turquie : le oui l'emporte, l'opposition conteste le résultat
- Avec AFP
Le président turc Recep Tayyip Erdogan semblait en passe d'obtenir un considérable renforcement de ses pouvoirs à l'issue d'un référendum où le «oui» devançait le «non» selon un comptage partiel des votes diffusé par les médias.
Le président américain Donald Trump a félicité par téléphone son homologue turc Recep Tayyip Erdogan pour sa victoire au référendum sur un accroissement de ses prérogatives.
Selon le compte-rendu de l'appel diffusé par l'exécutif américain, Doanld Trump n'a émis aucune réserve sur le déroulement du scrutin, remporté d'une courte tête par l'homme fort d'Ankara avec un peu plus de 51% des suffrages. Quelques heures plus tôt, le département d'Etat américain avait par contre pris note des inquiétudes exprimées par les observateurs de l'OSCE, mettant en particulier en exergue les «irrégularités» observées le jour du scrutin.
Si Donald Trump n'avait pas remis en cause les résultats de cette consultation, il avait exhorté, par la voix de son porte-parole, les dirigeants turcs à respecter l'opposition et la liberté d'expression.
La campagne pour le référendum en Turquie sur le renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan s'est déroulée dans des conditions inéquitables, a estimé une mission commune d'observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe.
«Le référendum s'est déroulé sur un terrain inégal et les deux camps en campagne n'ont pas bénéficié des mêmes opportunités», a déclaré Cezar Florin Preda, de la mission d'observation. «Des modifications tardives dans la procédure de comptage (des voix) ont supprimé un important garde-fou», a-t-il ajouté, faisant allusion à la décision des autorités d'accepter les bulletins non estampillés du sceau officiel.
Référendum turc : la campagne menée dans des conditions inéquitables, pour les observateurs internationaux https://t.co/rSmdrS5U6Ipic.twitter.com/BbLf8sbHHu
— RT France (@RTenfrancais) 17 апреля 2017 г.«Le référendum est une affaire souveraine de la République de Turquie. Nous estimons que tous doivent respecter la déclaration de volonté du peuple turc», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, exprimant le point de vue de la Russie.
Un référendum sur la peine de mort en Turquie constituerait «une rupture avec les valeurs» européennes, a affirmé l'Elysée au lendemain de la victoire du président Recep Tayyip Erdogan à la consultation populaire sur un renforcement de ses pouvoirs.
«Les valeurs et les engagements pris dans le cadre du Conseil de l'Europe devraient conduire les autorités turques à conduire un dialogue libre et sincère avec toutes les composantes de la vie politique et sociale. L'organisation d'un référendum sur la peine de mort constituerait évidemment une rupture avec ces valeurs et ces engagements», a déclaré la présidence française dans un communiqué.
© Philippe Wojazer Source: ReutersLe président turc Recep Tayyip Erdogan devrait réintégrer le parti islamo-conservateur au pouvoir fin avril, mettant en oeuvre l'une des principales dispositions du référendum qu'il a remporté, a indiqué un responsable de la formation.
«Nous allons proposer à Erdogan d'adhérer (au parti) après le 27-28 avril», a déclaré le chef du groupe parlementaire du parti AKP (islamo-conservateur) Mustafa Elitas, cité par la chaîne privée NTV.
Source: ReutersManifestation à Ankara, le 2 avrilLe principal parti d'opposition turc a demandé l'annulation du référendum ayant approuvé la veille une révision constitutionnelle qui renforce les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, dénonçant des irrégularités.
«Il n'y a qu'une seule décision à prendre [...]. C'est l'annulation du scrutin par le Haut-Conseil électoral (YSK)», a déclaré Bülent Tezcan, vice-président du CHP (social-démocrate), cité par l'agence de presse Dogan.
La Turquie va prolonger l'état d'urgence en vigueur depuis le putsch avorté de juillet, ont rapporté des médias au lendemain de la victoire du «oui» au référendum sur le renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan.
La décision de prolonger l'état d'urgence doit être prise lors d'une réunion du Conseil national de sécurité prévu à partir de 16h30 GMT. Le vice-Premier ministre Nurettin Canikli, cité par la chaîne A Haber, s'est borné à confirmer que la question serait à l'ordre du jour de la réunion.
La chancelière allemande Angela Merkel a appelé le président turc Recep Tayyip Erdogan à chercher «un dialogue respectueux» avec tous les partis politiques après la courte victoire du «oui» au référendum lui accordant des pouvoirs accrus.
«Le gouvernement [allemand] attend que le gouvernement turc, après une campagne électorale dure, cherche maintenant un dialogue respectueux avec toutes les forces politiques et dans la société», a souligné la chancelière dans une courte déclaration conjointe avec son ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel.
Le chef de la Commission électorale turque annonce que, selon un décompte officieux, il resterait 600 000 bulletins à décompter. Le «oui» aurait une avance d'environ 1,25 millions de voix pour l'instant.
Des Stambouliotes mécontents de l'issue du scrutin ont brandi des poêles à frire et des casserolles en les faisant tinter à leur fenêtre dans plusieurs quartiers de la ville.
The banging of pots and pans rings through the neighborhood. In Turkey, it's a protest. https://t.co/YLt8HmUR52pic.twitter.com/Eg0PdjYnez
— Dalia Mortada (@dalia_mortada) 16 avril 2017
Quelque 55,3 millions de Turcs sont appelés à se rendre aux urnes pour dire oui ou non à une révision constitutionnelle qui prévoit notamment la suppression du poste de Premier ministre au profit d'un hyperprésident, qui concentrerait entre ses mains de vastes prérogatives.
S'il l'emporte, Recep Tayyip Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch il y a neuf mois, disposerait d'un pouvoir considérablement renforcé et pourrait en théorie rester président jusqu'en 2029.
«La Turquie prendra l'une des décisions les plus importantes de son histoire», a déclaré le 15 avril Recep Tayyip Erdogan, au cours du dernier d'une très longue série de meetings de campagne pour le référendum dont le résultat s'annonce serré.
Le gouvernement présente cette réforme comme indispensable pour assurer la stabilité du pays et lui permettre d'affronter les défis sécuritaires et économiques qui s'annoncent. Mais l'opposition dénonce la dérive autoritaire d'un homme qu'elle accuse de chercher à museler toute voix critique, surtout depuis le putsch manqué de juillet 2016.
Les bureaux de vote ont ouvert à 04h GMT à Diyarbakir et dans d'autres villes de l'est de la Turquie, a constaté un correspondant de l'AFP. Le scrutin débutera à 05h GMT dans l'ouest du pays, comme à Istanbul et Ankara.
«Les résultats s'annoncent bons», avait assuré Recep Tayyip Erdogan, le 15 avril. «Mais cela ne doit pas nous rendre léthargiques. Un oui fort sera une leçon donnée à l'Occident», a-t-il ajouté, alors qu'il s'en était régulièrement pris à l'Union européenne pendant la campagne.
Etat d'urgence
Recep Tayyip Erdogan a notamment indiqué que la candidature de la Turquie à l'UE, au point mort depuis des années, serait mise «sur la table» après ce référendum. Il a aussi relancé le débat sur le rétablissement de la peine capitale, une ligne rouge pour Bruxelles. Si le texte est approuvé, «il enclencherait la restructuration la plus drastique des 94 ans d'histoire de la politique turque et de son système de gouvernance», selon un rapport signé par Sinan Ekim et Kemal Kirisci, du think-tank Brookings Institution.
Pour #Erdogan, l’#UE, «alliance de croisés», ne veut pas de la #Turquie pour des raisons religieuseshttps://t.co/qfxb1bN7Htpic.twitter.com/L19lpBqriy
— RT France (@RTenfrancais) 4 avril 2017
Pour Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, le principal parti d'opposition, la Turquie a le choix : «Voulons-nous poursuivre avec une démocratie parlementaire ou un système de gouvernement par un seul homme ?», a-t-il déclaré le 15 avril au cours d'un meeting près de la capitale, comparant le système présidentiel voulu par le gouvernement à «un bus sans freins dont on ne connaît pas la destination».
L'opposition et les ONG ont déploré ces dernières semaines une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du oui dans les rues et les médias.
La Turquie vit par ailleurs sous le coup de l'état d'urgence décrété après le putsch manqué de juillet dernier. Quelque 47 000 personnes ont été arrêtées et plus de 100 000 limogées ou suspendues.
Le parti prokurde HDP a ainsi dû faire campagne alors que ses deux coprésidents et nombre de ses élus se trouvent en prison, accusés de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme «terroriste» par Ankara et ses alliés occidentaux.
Menace «terroriste»
Les principales incertitudes pour Recep Tayyip Erdogan résident dans le vote des Kurdes, qui constituent un cinquième de la population, et dans celui du camp de la droite nationaliste. Si son chef, Devlet Bahçeli, soutient la révision constitutionnelle, la base du parti reste divisée.
La sécurité occupe également une grande place dans l'organisation du scrutin, la Turquie ayant été frappée ces derniers mois par une vague sans précédent d'attaques meurtrières liées à Daesh et à la rébellion kurde.
Selon l'agence Dogan, 49 membres présumés de l’Etat islamique ont été arrêtés à Istanbul cette semaine. Daesh avait appelé dans le dernier numéro de son hebdomadaire Al-Naba à des attaques contre les bureaux de vote le 16 avril.
Quelque 33 600 policiers seront déployés à Istanbul pour assurer le bon déroulement du scrutin, selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu.