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Pourquoi le camp Fillon insiste-t-il sur le chiffre de 200 000 manifestants ?

Malgré le caractère exagéré du nombre, le candidat Les Républicains et ses proches continuent d'affirmer que 200 000 personnes étaient bien présentes le 5 février pour le soutenir place du Trocadéro à Paris. Besoin de légitimité ?

Il n’en démord pas. Le 5 mars, sur le plateau du JT de France 2, François Fillon martelait ce que son équipe de campagne s’était époumonée à hurler au micro de la place du Trocadéro : 200 000 personnes étaient rassemblées pour le soutenir.

Si le chiffre, bien supérieur aux 35 - 50 000 attendues, a largement été moqué par les internautes et les adversaires de François Fillon, le coup de grâce est venu le 6 mars de l’émission Quotidien présentée par Yann Barthès sur la chaîne C8. Les équipes de l'héritière du Petit journal ont repéré un échange croustillant entre Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne des Républicains et l’un de ses collègues. Ce dernier lui a lancé : «Il faut dire 200 000 !», ce que son interlocuteur s’est empressé de déclarer à une foule galvanisée.

Mais plus que la bataille des chiffres, des calculs, des hypothèses de surface et des équations à coup de mètres carrés, ce sont les raisons qui poussent les proches de François Fillon à maintenir ce chiffre abracadabrantesque qui méritent une explication.

Rassembler, légitimer, «présidentialiser»

Au soir du 27 novembre 2016, François Fillon était aux anges. Celui qui possède un château dans la Sarthe était couronné roi de son camp. Son éclatante victoire à la primaire de la droite et du centre faisait de lui le favori pour la course à l’Elysée. Les sondages publiés dans la foulée de son succès confirmaient ce que tout le monde pensait à l’époque : la fonction suprême lui était promise. Mais patatras ! Le 25 janvier, Le Canard enchaîné révèle que Penelope Fillon a été rémunérée en tant qu'attaché parlementaire de son mari et du suppléant de ce dernier, Marc Joulaud entre 1998 et 2007 pour environ 500 000 euros, alors que la réalité de son travail est mise en doute. François Fillon vient de monter dans un navire en pleine tempête. Et les semaines qui suivent ne voient pas vu les vents se calmer. Bien au contraire.

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Des révélations en cascade impliquant ses enfants, la remise d’une distinction officielle contre services ou encore les indemnités de licenciement de sa femme pourrissent sa campagne. Dernière épisode en date ? L’obtention d’un prêt de 50 000 euros sans intérêts de Marc Ladreit de Lacharrière, proche de François Fillon, ex-employeur de sa femme et bénéficiaire de la grand-croix de la Légion d'honneur polémique. 

Durant ces semaines de controverses, l'hypothèse d'un «plan B», c'est-à-dire du remplacement de François Fillon par un autre candidat à l'élection présidentielle a été suggérée, voire réclamée à de nombreuses reprises par des membres du parti Les Républicains. Si certains ont joué l’unité de façade, Georges Fenech, député LR du Rhône, a carrément appelé Alain Juppé puis François Baroin à remplacer l'actuel candidat de la droite. Depuis sa mise en examen et les trois juges d’instructions qu’il a désormais sur le dos, François Fillon voit ses soutiens le quitter les uns après les autres. L’hémorragie est telle que le site web de Libération a même mis en ligne «Le compteur des lâcheurs de Fillon». Lors de la dernière mise à jour, le 7 mars à 13h, ils étaient 305.

C’est dans ce contexte peu favorable, sinon catastrophique, que l’ancien Premier ministre a souhaité faire une démonstration de force en réunissant ses partisans sur la place du Trocadéro à Paris le 5 février. Et quoi de mieux pour asseoir une légitimité chancelante que de rassembler une foule monstre ? Si des dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel, le chiffre de 200 000 manifestants martelé par François Fillon et ses proches tient plus de l’incantation que de la réalité.

L’épisode relaté par Quotidien est très significatif. Les termes employés sont clairs : «Il faut dire 200 000 !» Comme si apparaître capable de rassembler autant de partisans était vital pour garder aux yeux de l'opinion publique une aura de présidentiable.

Sarkozy et Trump avant lui

Cet épisode fait ironiquement écho à la mobilisation organisée par Nicolas Sarkozy entre les deux tours de l’élection présidentielle en 2012. Alors qu’il se trouvait en difficulté face à François Hollande, le président sortant avait souhaité faire un pied-de-nez à la traditionnelle manifestation des syndicats du 1er mai. Ces derniers étant largement acquis à la cause de son adversaire, le locataire de l’Elysée voulait une «vraie fête du travail» réunissant ses partisans sur… la place du Trocadéro.

Coïncidence ou ironie de l’histoire, Nicolas Sarkozy avait revendiqué 200 000 participants. Peu importe que ce nombre ait été cette fois aussi mis en doute, l’objectif était le même que pour François Fillon : démontrer une grande capacité à rassembler et donner un second souffle à sa campagne.

Outre-Atlantique, la cérémonie d’investiture de Donald Trump a été un autre exemple de polémique sur les chiffres de participation à une manifestation politique publique. Au lendemain de son élection surprise en tant que 45e président des Etats-Unis, le 8 novembre 2016, face à Hillary Clinton, le milliardaire avait dû faire face à une vague de critiques impressionnante de la part de ses adversaires et d’une majorité de la presse.

Avant la cérémonie d’investiture du 20 janvier 2017, il était déjà très contesté. Est-ce pour défendre sa légitimité qu’il a martelé dans les jours suivant son intronisation que la foule était composée «d'un million et demi de personnes» ? La question est légitime tant ce bilan semble exagéré. Certes, une photo largement diffusée sur les réseaux sociaux par ses opposants et qui montrait des pelouses clairsemées avaient été prise des heures avant le début de la cérémonie et était donc fallacieuse. Mais force est de constater que les images aériennes disponibles démontrent que Donald Trump était loin du compte… ou plutôt bien au-delà.

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