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Syrie : le chef de la diplomatie française arrive à Moscou dans un lourd climat de tensions

Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, sera le 6 octobre à Moscou pour rencontrer son homologue Sergueï Lavrov. But de la manœuvre ? Obtenir un cessez-le-feu à Alep alors que s'accroissent les divergences sur la Syrie.

Fini le rapprochement franco-russe sur la Syrie ? Le 6 octobre, Jean-Marc Ayrault se rend à Moscou afin de rencontrer le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Il s'agira pour le locataire du Quai d'Orsay de convaincre la Russie de voter la résolution que la France s’apprête à présenter au Conseil de sécurité de l’ONU.

D’ici la fin de la semaine, Paris proposera un texte visant à instaurer un cessez-le-feu à Alep, deuxième ville de Syrie. Le projet prévoit un arrêt des bombardements et la mise en place d’un mécanisme de supervision d’une trêve. Problème : l’idée laisse plus que perplexe du côté du Kremlin. L'ambassadeur russe auprès de l'ONU, Vitali Tchourkine, a fait part d'«interrogations».

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Selon lui, de telles mesures sont déjà prévues par les accords successifs signés à Genève sans qu'elles aient fait leur preuves. «Ce mécanisme a déjà été mis en place et franchement, il n'est pas très efficace. Tous les membres du Groupe international de soutien à la Syrie y participent, mais il n'y a que la Russie et les Etats-Unis qui ont fourni des informations à ce groupe. Ni la France ni les autres n'ont jamais donné une quelconque information», a déclaré le diplomate russe.

La France attaque, à nouveau, la Russie

En plus des réserves russes, les déclarations faites le 5 octobre par Jean-Marc Ayrault ne devraient pas faciliter les négociations. Sur le plateau de LCI, il s’en est vertement pris à la politique russe en Syrie. «Cette situation est inacceptable, elle est profondément choquante, elle est honteuse», a-t-il lancé. Selon lui, Moscou fait preuve de «cynisme» et cela «ne trompe personne».

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Depuis l’échec du cessez-le-feu conclu le 10 septembre dernier, la situation s’est fortement dégradée en Syrie. Les poignées de mains tout sourire entre le chef de la diplomatie américaine John Kerry et Sergueï Lavrov ont laissé place aux invectives. La bataille qui fait rage à Alep cristallise toutes les tensions. L’armée de Bachar el-Assad, appuyée par les forces russes, est passée à l’offensive pour reprendre le contrôle de la ville. Les combats sont terribles, les victimes se comptent par centaines dans les deux camps et les relations entre l’Occident et la Russie se dégradent de plus en plus.

A Washington, on accuse la Russie de bombarder l’opposition «modérée» et de multiplier les victimes civiles. Dans le camp d’en face, c’est l'incapacité des Américains à distinguer les rebelles «modérés» des terroristes qui est pointée du doigt. Le 17 septembre, le bombardement de troupes gouvernementales syriennes par la coalition internationale dirigée par Washington a entraîné une très nette augmentation des tensions entre la coalition et l’alliance russo-syrienne. Si la Maison Blanche a parlé d’«accident», le président Bachar el-Assad a livré une analyse bien différente de ce qu'il s'est passé : «Il s'agissait de quatre avions, qui ont attaqué sans relâche les positions des troupes syriennes, durant un heure environ. Vous ne commettez pas une erreur pendant plus d'une heure.»

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Deux jours plus tard, c’est un convoi humanitaire de l’ONU qui a été la cible d’une attaque causant la mort de 20 civils à proximité d’Alep. Les Etats-Unis ont pointé du doigt l’armée russe mais Moscou a aussitôt démenti tout implication dans cette bavure.

Entre Moscou et Washington, la ligne est coupée

L’escalade semble avoir atteint le point de non-retour. Le 3 octobre, les Etats-Unis ont annoncé mettre fin à leur collaboration avec la Russie sur le théâtre syrien. «Les Etats-Unis suspendent leur participation aux échanges bilatéraux avec la Russie, lesquels avaient été établis afin de favoriser la cessation des hostilités», a fait savoir John Kirby, porte-parole du département d'Etat américain. Ce dernier n'a pas manqué de souligner que la Maison Blanche était «à bout de patience» avec la Russie.

Aujourd’hui, les échanges d’informations entre les deux parties sont réduits au strict minimum : éviter que leurs forces respectives ne s'accrochent lors d'«opérations de contre-terrorisme en Syrie».

Les positions russes et occidentales semblent irréconciliables. Les premiers ont fait le choix d’apporter leur soutien au président Bachar el-Assad. Les seconds continuent d’armer une opposition dont certains éléments sont clairement loin d’être modérés. 

Dès 2012, un rapport des services secrets américains tirait la sonnette d’alarme. Selon le document rendu public en septembre 2015, l’insurrection syrienne était principalement menée par des forces extrémistes. L’Agence du renseignement et de la défense (DIA) en dressait un bilan effroyable. La situation prenait clairement un tournant sectaire. Les salafistes, Frères musulmans et membres d'Al-Qaïda étaient en pointe de la lutte contre le gouvernement avec le soutien d'Al-Qaïda en Irak.

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Dans un quartier d’Alep récemment repris par l’armée régulière syrienne, un important stock d’armes – modernes et de fabrication occidentale [Etats-Unis, Allemagne, République tchèque] – a été retrouvé dans une maison occupée auparavant par les membres de l’ex-Front al-Nosra, devenu le Front Fatah el-Cham depuis qu'il a rompu avec Al-Qaïda. Dans le lot, on aurait même retrouvé un missile antichar américain TOW.

Et la France dans tout ça ?

Le gel des relations russo-américaines a une incidence sur la diplomatie française au regard de la Syrie. Au début du conflit, dans un entretien accordé au journal Le Monde daté du 13 décembre 2012, Laurent Fabius, alors chef de la diplomatie française, n’avait pas hésité à déclarer que le Front Al-Nosra faisait du «bon boulot» sur le terrain. Sans parler des révélations du président François Hollande qui, dans le livre intitulé Dans les coulisses de la diplomatie française, de Sarkozy à Hollande, écrit par le journaliste Xavier Panon, avouait que la France avait fourni des armes à des groupes rebelles syriens dès 2012 alors que Bruxelles avait imposé un embargo sur ces mêmes livraisons.

La posture diplomatique a ensuite évolué vers le «ni-ni». Le fameux «ni Daesh, ni Assad» de Laurent Fabius qui a volé en éclat au lendemain des terribles attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015. Le lendemain, devant un Parlement réuni en congrès exceptionnel au château de Versailles, François Hollande parle de «guerre contre le terrorisme djihadiste». Le renversement de Bachar el-Assad n’est plus la priorité. Il faut se débarrasser de Daesh.

Les forces françaises multiplient alors les raids aériens en Irak et en Syrie. Et se rapprochent de la Russie. Le mardi 17 novembre, le président russe Vladimir Poutine ordonne à ses navires de guerres d’entrer en contact direct avec le porte-avions Charles-de-Gaulle. «Un détachement naval français mené par un porte-avions arrivera bientôt dans votre secteur. Il faut établir un contact direct avec les Français et travailler avec eux comme avec des alliés», affirme alors le locataire du Kremlin.

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Les récentes évolutions sur le dossier syrien, ainsi que les déclarations hostiles de Jean-Marc Ayrault accréditent la thèse selon laquelle le rapprochement entre Paris et Moscou a été de courte durée. Paris semble à nouveau s’aligner sur son allié d'outre Atlantique, dont il reprend la rhétorique offensive contre la Russie.

Cela tombe bien, directement après son passage en Russie, le chef de la diplomatie française se rendra à Washington.