Après trois mois d'enlisement, les forces du gouvernement libyen d'union nationale (GNA) sont parvenues à reprendre aux combattants de l'Etat islamique (EI) un secteur de la ville de Syrte, dans le nord du pays. La prise est de taille, puisqu'il s'agit d'une zone située à proximité du centre de commandement local du groupe djihadiste, établi dans le «centre de conférence Ouagadougou».
Les troupes du GNA ont entamé le 12 mai dernier leur opération militaire dans cette ville côtière qui constitue l'un des bastions de Daesh en Libye, mais peinaient jusqu'à présent à réaliser de véritables percées face aux attaques-suicides et aux tirs de snipers que leur infligaient leurs ennemis.
Depuis la semaine dernière, toutefois, le GNA bénéficie de l'appui de l'aviation américaine : lundi 1er août, le chef du gouvernement d'union nationale Fayez al-Sarraj a annoncé que les Etats-Unis avaient commencé à effectuer des frappes aériennes contre des positions de l'EI à Syrte. Jusqu'alors, les seules frappes américaines qui avaient visé Daesh en Libye s'étaient déroulées en février.
Dimanche 7 août, les forces loyalistes ont fait savoir qu'elles préparaient l'assaut final pour chasser Daesh de leur fief.
Une intervention américaine à durée illimitée et potentiellement illégale
Les frappes aériennes américaines, réalisées à la demande du GNA, interviennent selon le chef de celui-ci «dans un cadre limité dans le temps», et n'iront pas au-delà de «Syrte et sa banlieue».
Pourtant, le 1er août, un responsable américain avait affirmé aux médias que les Etats-Unis se préparaient à une campagne de longue durée. L'attaché de presse du Pentagone, Peter Cook, avait en effet déclaré : «Nous voulons frapper l'Etat islamique partout où il sera et la Libye est l'un de ces endroits», ajoutant que les frappes aériennes «continuer[aient] aussi longtemps que [le gouvernement libyen] le souhaite» et que «à cet instant précis, il n'y a[vait] pas de date de fin prévue».
Interrogé sur la «légalité» de l'opération militaire américaine en Libye, Peter Cook avait répondu en citant un décret controversé du Congrès, vieux de 15 ans, autorisant l'utilisation de la force militaire et adopté dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001.
Cette résolution, prénommée AUMF (Authorization for Use of Military Force Against Terrorists) autorise l'usage de la force militaire contre les organisations qui ont «prévu, autorisé, commis ou aidé les attaques terroristes du 11 septembre». D'abord invoquée par George Bush, puis par Barack Obama, la résolution a permis de justifier des actions militaires en Irak, au Yémen, en Somalie, en Syrie, et dans de nombreux autres pays.
Un pays fragmenté depuis l'intervention de 2011
Cinq ans après l'intervention occidentale en Libye, le pays est aujourd'hui totalement fragmenté. Le GNA, mis en place en mars 2016, a été reconnu par la communauté internationale. Néanmoins, la région de Tripoli et la Cyrénaïque restent sous le contrôle des milices islamistes, tandis que les forces de Daesh disposent de divers bastions, notamment à Syrte.
Face aux difficultés rencontrées par le GNA, la Libye a appelé la communauté internationale à l'aide, entraînant le vote d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU en décembre dernier autorisant les pays étrangers à frapper l'Etat islamique en Libye si les bombardements étaient effectués en coordination avec les autorités.