«Nous suivons les développements concernant l'état d'urgence que la Turquie a déclaré après la tentative de coup d'Etat, que l'UE a condamné, de très près et avec inquiétude», ont déclaré les deux responsables européens dans un communiqué conjoint.
«Cette déclaration survient dans la foulée des récentes décisions inacceptables concernant l'enseignement, la justice et les médias», ont-ils ajouté.
«Nous appelons les autorités turques à respecter en toutes circonstances l'état de droit, les droits de l'Homme et les libertés fondamentales, y compris le droit de chacun à un procès équitable», poursuivent Federica Mogherini et Johannes Hahn, alors que jusqu'à présent, 10 410 personnes ont été placées en garde à vue et 4 060 personnes ont été mises en détention, selon le président turc.
Le commissaire et la haute représentante de la diplomatie européenne soulignent également que Recep Tayyip Erdogan a assuré que l'instauration de l'état d'urgence, pour la première fois depuis 2002, n'affecterait d'aucune manière la démocratie dans son pays, en pleine purge depuis la tentative de coup d'Etat avorté du 15 juillet.
«Nous attendons en effet que [ces droits] soient entièrement respectés et que les autorités turques agissent avec mesure», ont averti les deux responsables de l'UE, alors que près de 60 000 personnes, notamment des militaires, juges ou professeurs, ont été arrêtées, suspendues ou limogées en quelques jours.
Inquiétudes autour d'un possible retour de la peine de mort en Turquie
Par ailleurs, la chef de la diplomatie de l'UE, s'exprimant à la fondation Carnegie pour la paix mondiale, à Washington, a tenu à souligner que la réintroduction de la peine de mort en Turquie rendrait impossible tout processus d'adhésion du pays à l'Union européenne.
«La démocratie et l'Etat de droit en Turquie ont besoin d'être protégés pour le bien de ce pays», a déclaré Federica Mogherini, tout en rappelant qu'«aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort».
«Il s'agit d'une clause fondamentale de la Convention européenne des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, que la Turquie a adopté», a-t-elle rappelé.
En effet, le soir du lundi 18 juillet, Recep Tayyip Erdogan a annoncé à la chaîne américaine CNN, qu'il approuverait toute décision du Parlement sur un rétablissement de la peine de mort, si un tel projet venait à être voté dans les semaines suivant le putsch.
La peine de mort avait été abolie en Turquie en 2004, lors du début du processus de négociations pour une future adhésion du pays à l'Union européenne.
La Convention des droits de l'Homme suspendue
Sous régime d'état d'urgence, la Turquie va déroger à la Convention européenne des droits de l'Homme, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Numan Kurtulmus, évoquant l'exemple de la France qui a fait de même au titre de l'article 15 de la CEDH après les attentats de Paris en novembre dernier.
Cet article reconnaît aux gouvernements, «dans des circonstances exceptionnelles», la faculté de déroger, «de manière temporaire, limitée et contrôlée», à certains droits et libertés garantis par la CEDH.
Cette dérogation prémunit donc la Turquie contre d'éventuelles condamnations de la CEDH.
«Toute suspension de la CEDH devra suivre les règles prévues pour de telles dérogations», ont souligné Federica Mogherini et Johannes Hahn.
Erdogan promet «du sang neuf» dans l'armée
Le président turc a par ailleurs déclaré à Reuters le 21 juillet que d'importantes défaillances avaient été constatées au sein des institutions du pays avant la tentative de coup d'état. Par conséquent, il a annoncé vouloir mettre «du sang neuf» dans l'armée du pays.
«Après tout ce qui vient de se passer, je pense qu'ils [l'armée] doivent maintenant tirer des leçons. Il s'agit d'un processus continu, nous allons continuer très activement [à sa restructuration]», a-t-il déclaré aux médias turcs.
«Il est très clair qu'il y avait des lacunes et insuffisances dans nos services de sécurité et de renseignement, il est inutile d'essayer de se le cacher ou de le nier. Je l'ai moi même annoncé au chef du renseignement national», a déclaré Erdogan dans sa résidence à Ankara, qui avait été ciblée par des bombardements durant le putsch.
Le chef d'Etat a déclaré que la réunion du Conseil militaire suprême, l'organisation supervisant les forces armées, prévue initialement pour le 1er août 2016, pourrait être avancée d'une semaine pour superviser la restructuration.
Dans sa première interview depuis l'instauration de l'état d'urgence, Recep Tayyip Erdogan a déclaré qu'une nouvelle tentative de coup d'état était possible, mais pas facile pour ceux qui voudraient l'organiser : «Nous sommes très vigilants», a-t-il prévenu.