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Jean-Yves Moisseron : «La France a une responsabilité dans l'implantation de Daesh en Libye»

Alors que Manuel Valls a déclaré qu’il faudrait combattre Daesh «demain sans doute en Libye», le spécialiste des acteurs religieux du monde arabe rappelle que la France a «ouvert une Boite de Pandore» en intervenant militairement en 2011.

Il y a quatre ans, la France avait été au premier plan d’une intervention militaire en Libye qui s’était soldée par la chute du gouvernement de Mouammar Kadhafi. Aujourd’hui, ce pays est en passe de redevenir une priorité pour le gouvernement français, à en juger par les récentes déclarations de Manuel Valls, qui a estimé sur la radio France Inter que «nous avons un ennemi, Daesh (…) que nous devons combattre et écraser, en Syrie, en Irak, et demain sans doute en Libye». Début décembre, sur les ondes d’Europe 1, le Premier ministre avait déjà prévenu que la Libye serait «incontestablement le grand dossier des mois qui viennent».

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Mais si l’organisation Etat islamique est parvenue à s’installer en Libye, c’est notamment en profitant de la division qui s’est emparée du pays depuis l’intervention militaire de 2011, rappelle Jean-Yves Moisseron. «Depuis la chute de Kadhafi, la Libye est dans un régime de fragmentation des forces politiques, entre le gouvernement de Tripoli et celui de Tobrouk, qui ont chacun leur organisation politique et leurs alliances tribales, ainsi qu'une multitude de groupes régionaux», explique-t-il.

C’est donc en marge de ce pouvoir désuni que Daesh s’est implanté, se concentrant particulièrement dans la ville de Syrte, point de fracture laissé à l’abandon par les deux gouvernements. Or, les autorités de Tripoli et de Tobrouk étant particulièrement faibles, il est peu vraisemblable qu’elles parviennent à intervenir pour y stopper l’expansion du groupe djihadiste, explique le spécialiste.

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Pour Jean-Yves Moisseron, la France, ainsi que les autres pays qui sont intervenus en 2011, portent donc «une responsabilité première» dans la situation actuelle en Libye. En effet, malgré des méthodes parfois violentes, «Mouammar Kadhafi jouait un rôle d’unification de la Libye», notamment par son «usage de la négociation entre les forces tribales». Dès lors, en faisant sauter celui-ci, la France a «ouvert la boite de Pandore d’une société segmentaire», rapporte-t-il, rappelant qu’il dressait déjà ce constat en 2011 avant la chute du gouvernement libyen.

Face au constat du chaos libyen, Jean-Yves Moisseron préconise une solution pour lutter contre l'Etat islamique. «La communauté internationale devrait obliger les deux gouvernements à se mettre d’accord» en appliquant un moyen extrêmement simple, à savoir un «embargo sur le pétrole jusqu’à ce que les forces libyennes s’organisent et décident de lutter avec fermeté face aux forces de Daesh».