L’entreprise Traxys accusée d’acheter des minerais de sang via le Rwanda

Une enquête de Global Witness accuse l’entreprise luxembourgeoise Traxys d’avoir acheté 280 tonnes de coltan via le Rwanda, issu de mines contrôlées par le groupe armé M23 dans l’est de la République démocratique du Congo.
L’entreprise luxembourgeoise Traxys, spécialisée dans le négoce de matières premières, est accusée d’avoir acheté du coltan introduit illégalement au Rwanda, alors qu’il proviendrait de zones de conflit en République démocratique du Congo. C’est ce que révèle une enquête de l’organisation Global Witness, publiée ce 15 avril 2025.
Selon les documents douaniers consultés par Global Witness, Traxys aurait acquis 280 tonnes de coltan en 2024 via l’entreprise rwandaise African Panther Resources. Or, selon les contrebandiers interrogés par l’ONG, ce coltan proviendrait des mines de Rubaya situées dans le Nord-Kivu, une région sous contrôle du groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda. Les experts de l’ONU estiment que le M23 génère environ 800 000 dollars par mois grâce aux taxes imposées sur l'exploitation minière.
Le coltan, utilisé dans la fabrication de téléphones, d’ordinateurs et de véhicules électriques, représente une ressource stratégique au niveau mondial. La mine de Rubaya produirait à elle seule jusqu’à 15 % du coltan mondial. Global Witness affirme que cette ressource est désormais exploitée par le M23 pour financer ses opérations militaires, alors même que le groupe mène une guerre sanglante dans l’est de la RDC, notamment autour de Goma et Bukavu.
Défense contestée de Traxys et critiques politiques
Traxys dément toute implication dans le financement du M23 et affirme que le coltan acquis ne provient pas de zones de conflit. L’entreprise indique avoir mis en place des procédures de diligence, notamment des visites de mines, des vérifications de plausibilité et des analyses des teneurs en minéraux. Pourtant, Global Witness souligne que ces contrôles sont insuffisants et que des méthodes simples, comme le mélange de minerais, permettent de dissimuler l’origine réelle du coltan.
L’ONG met également en cause le rôle de l’Union européenne. En février 2024, Bruxelles a signé un partenariat stratégique avec Kigali pour garantir l’accès aux matières premières critiques, dont le tantale issu du coltan. Global Witness estime que ce partenariat facilite l’entrée de minerais de conflit sur le marché européen et demande l’annulation immédiate de cet accord.
Des personnalités politiques luxembourgeoises, comme le député David Wagner du parti Déi Lénk, dénoncent la complaisance du gouvernement vis-à-vis du Rwanda. Selon lui, « le Luxembourg apparaît aujourd’hui comme complice du pillage des ressources congolaises ».
Un système de traçabilité inefficace et détourné
L’enquête souligne également que le système de traçabilité iTSCi, utilisé par Traxys et African Panther, est régulièrement manipulé pour blanchir des minerais de sang. Des experts indépendants affirment que jusqu’à 90 % des exportations de tantale, d’étain et de tungstène au Rwanda seraient issues de la RDC.
Global Witness appelle l’Union européenne à suspendre toute aide au développement en faveur du Rwanda tant que celui-ci n’aura pas retiré ses troupes de RDC et cessé tout soutien au M23.