Confiscation des avoirs russes gelés : Scholz furieux après son évocation par le président polonais
Selon le Financial Times, le chancelier allemand Olaf Scholz se serait emporté lors d'une réunion à Bruxelles, le président polonais Andrzej Duda ayant remis sur la table l'idée de confisquer les avoirs russes gelés au profit de l'Ukraine.
Lors d'une réunion à Bruxelles, réunissant des dirigeants européens «au domicile du secrétaire général de l’OTAN», dédiée au soutien à l'Ukraine, le président polonais Andrzej Duda «a appelé l’UE à confisquer et à dépenser les 260 milliards d’euros d’actifs souverains russes immobilisés dans les institutions financières européennes», a rapporté le 20 décembre le Financial Times (FT).
Une suggestion, ressassée depuis des mois par des soutiens de Kiev, qui aurait fini par agacer Olaf Scholz. «Vous ne comprenez pas comment cela affecterait la stabilité de nos marchés financiers», aurait alors «aboyé» le chancelier allemand au président polonais, relate le FT, citant trois sources proches des discussions. «Vous n’utilisez même pas l’euro !», aurait assené le dirigeant allemand, selon le quotidien britannique qui le dépeint comme «exaspéré».
Comme le rappelle le FT, qui a suivi de bout en bout ce dossier de confiscation des avoirs russes gelés, cette initiative a été discutée à maintes reprises par les alliés occidentaux de l'Ukraine, en particulier au sein du G7.
L'idée, suggérée par les États-Unis et soutenue par le Canada et le Royaume-Uni – des pays n'hébergeant qu'une infime part des avoirs russes gelés et n'ayant pas pour monnaie l'euro –, avait été reçue plus froidement par l'Allemagne, la France et l'Italie, trois pays de la zone monétaire où la majorité de ces fonds russes avaient été placé.
La crédibilité des Européens dans la balance
Au total, 191 milliards d'euros d'actifs, appartenant à la Banque de Russie, sont actuellement détenus par Euroclear Bank (EB). La directrice de cet organisme international de dépôts de fonds basé à Bruxelles, Valérie Urbain, a d'ailleurs mis en garde contre la perte de confiance en la zone euro que pourrait susciter une telle spoliation aux yeux des investisseurs du monde entier. Face au risque de se faire confisquer leur placement, au gré de décisions d'ordre politique, ceux-ci pourraient se détourner de l'Europe au profit d'autres zones monétaires.
«C’est le risque de créer un précédent, parce que la confiance que vous avez eue pendant des décennies dans le système, elle a soudainement été remise en question», a-t-elle déclaré à l'agence Bloomberg dans une interview publiée le 10 décembre.
En mai dernier, rapportant que cette «question n'est plus sur la table», le FT avait fait part de l'hostilité qu'avaient opposé plusieurs pays à ce projet occidental lors d'une réunion des ministres des Finances du G20 au Brésil, ceux-ci brandissant déjà le «dangereux précédent en droit international» qu'une telle décision créerait.
Deux mois plus tard, Bloomberg avait révélé que l'Arabie saoudite aurait laissé planer la «menace à peine voilée» de vendre ses titres dans les pays du G7 si un tel précédent advenait. «Les Saoudiens ont notamment fait référence à la dette émise par le Trésor français», avaient indiqué deux sources à l’agence de presse américaine.
Après ce refus, les chancelleries occidentales s'étaient contentées de confisquer les intérêts de ces fonds, en accordant à Kiev d'importants prêts dont le remboursement est adossé à ces derniers.