Face au risque d'une escalade au Niger, la Cédéao divisée et l'Occident à la peine
- Avec AFP
Certains souhaitent une action armée, d'autres privilégient la négociation, quelques-uns soutiennent les militaires au pouvoir : après le coup d'Etat du 26 juillet au Niger, les réactions de la communauté internationale tournent à la cacophonie.
Derrière l'immédiate condamnation de façade de l'énième coup d'Etat au Sahel depuis 2020, les réactions des voisins du Niger, du continent africain tout entier et des puissances étrangères majeures – France, Etats-Unis et Russie en tête – témoignent d'une grande perplexité dans les chancelleries.
Les chefs d'état-major des armées ouest-africaines étaient réunis les 17 et 18 août au Ghana pour discuter d'une éventuelle intervention armée, évoquée depuis quelques jours par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Mais au sein de l'organisation, l'unanimité n'existe pas. L'un de ses membres, le Cap-Vert, s'y est ainsi ouvertement opposé. «Nous devons tous œuvrer pour le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger, mais en aucun cas par une intervention militaire ou un conflit armé en ce moment», a déclaré la semaine dernière son président, José Maria Neves.
Les régimes militaires du Mali et du Burkina Faso, voisins du Niger et membres sous sanctions de la Cédéao, ont de leur côté clairement affiché leur solidarité avec Niamey.
Un risque d’escalade
Solomon Dersso, directeur du groupe de recherche panafricain Amani Africa, craint, comme d'autres, qu'une intervention armée n'ait des «conséquences calamiteuses». Pour lui, les militaires de Niamey et la Cédéao «s'enferment dans un chemin dangereux vers l'escalade».
Les importantes sanctions économiques prises par le groupe régional et ses menaces militaires «ont donné à la junte le prétexte pour attiser la ferveur nationaliste des Nigériens et surfer sur les sentiments anticolonialistes», écrivait-il en début de semaine.
De fait, l'opération en question, dont les détails restent inconnus, semble improbable sans soutien de l'Union africaine. Or, celle-ci s'est réunie le 14 août et n'a pas communiqué officiellement depuis, alors que plusieurs sources ont indiqué de profondes divergences en son sein.
De leur côté, les deux grandes puissances occidentales impliquées dans le dossier adoptent des positions distinctes. Les Américains, qui conservent quelque 1 100 soldats au Niger pour lutter contre les djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, avec notamment une base de drones, ménagent l'avenir.
Sabrina Singh, une porte-parole du département d'Etat, a souligné que le Niger était un «partenaire» et devait le rester. «Nous y avons investi dans des bases et nous nous sommes entraînés avec les forces locales. Nous voulons voir une résolution pacifique pour cette démocratie durement conquise».
Une position américaine «confuse»
Pourtant, les Etats-Unis ont pour principe de ne pas maintenir de coopération militaire avec des régimes venus au pouvoir par un coup d'Etat.
«Mais la définition est flexible», souligne pour l'AFP Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Group, un institut de sécurité basé à New York, rappelant que Washington avait notamment continué de travailler en 2014 avec le régime contesté du général Abdel Fattah al-Sissi, en Egypte.
Pour l'analyste, «la position américaine est confuse». Les Etats-Unis «ne parviennent pas à adopter une politique claire avec les pays confrontés à un soulèvement ou un coup d'Etat militaire».
Paris, pour sa part, n'accorde aucune légitimité au pouvoir en place. La France, qui compte aujourd'hui 1 500 soldats au Niger, continuait d'effectuer, jusqu'au coup d'Etat, des opérations antiterroristes avec l'armée locale. Elle a exprimé il y a une semaine un soutien total à la Cédéao après la validation initiale de l'option militaire. «On est dans une position d'appui, de soutien à la Cédéao», a répété à l'AFP une source diplomatique française. «C’est à elle de prendre ses décisions, que ce soit pour les sanctions civiles, ou pour la menace d'intervention militaire».
Le 17 août, la diplomatie allemande a quant à elle réclamé des «sanctions» de l'UE contre «les putschistes» au Niger.
Pendant ce temps, les djihadistes poursuivent leur sombre dessein. Ils sont accusés d'avoir tué au moins 17 soldats nigériens et d'en avoir blessé 20 autres le 13 août, près de la frontière avec le Burkina Faso.
L'ONU s'en prend aux putschistes
L'ONU a tancé ce 18 août les militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey. «Les généraux ne peuvent pas s'arroger le droit de défier – sur un coup de tête – la volonté du peuple. La loi des armes n'a pas sa place dans le monde d'aujourd'hui», a fustigé Volker Türk, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, dans un communiqué.
Volker Türk a souligné que l'élection en 2021 du président Mohamed Bazoum, actuellement prisonnier des militaires ayant pris le pouvoir, constituait «la première transition démocratique dans l'histoire du pays, marquée par les coups d'Etat». Il s'est aussi «inquiété de la décision annoncée par les putschistes de poursuivre le président Mohamed Bazoum et d'autres personnes travaillant avec lui pour haute trahison».
La Russie prône un règlement pacifique
Le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant malien Assimi Goïta ont discuté le 15 août de la crise au Niger. Ils prôné un règlement pacifique dans ce pays.
Le même jour, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a taclé le «néo-colonialisme» occidental.