Dans un message diffusé sur le site de son ministère le 5 janvier, le patriarche de Moscou et de toute les Russies, Kirill, primat de l'Eglise orthodoxe russe, a demandé à «toutes les parties impliquées dans le conflit» en Ukraine d'observer un cessez-le-feu du 6 janvier à midi au 7 janvier à minuit afin de pouvoir célébrer le Noël orthodoxe (qui aura lieu le 7 janvier).
«Moi, Kirill, patriarche de Moscou et de toutes les Russies, je m’adresse à toutes les parties impliquées dans le conflit fratricide [entre orthodoxes, en Ukraine] avec un appel à cessez-le-feu et à établir une trêve de Noël de 12h le 6 janvier à 00h le 7 janvier, pour que les orthodoxes puissent assister à la messe de la Veille de Noël et le jour de Noël», a-t-il fait valoir.
Répondant à cette déclaration, le conseiller du président ukrainien, Mikhaïlo Podoliak, a fustigé sur Twitter un «piège cynique» et un «élément de propagande». «L'Eglise orthodoxe russe n'est pas une autorité pour l'orthodoxie mondiale et agit comme un "propagandiste de guerre". L'Eglise orthodoxe russe a appelé au génocide des Ukrainiens, a incité au meurtre de masse et insiste pour une militarisation plus importante de la Fédération de Russie», a-t-il ajouté.
Kirill dénonce «forces considérant ouvertement la Russie comme leur ennemie»
Depuis le lancement de l'opération militaire russe en Ukraine, le 24 février dernier, le patriarche Kirill de Moscou s'est exprimé plusieurs fois à ce sujet sujet. Le 27 février, il avait mis en garde contre une utilisation de «la situation politique actuelle en Ukraine», décrit comme un pays «proche» de la Russie, de «manière à ce que les forces du mal l'emportent». Il désignait par «forces du mal» ceux qui, selon lui, «combattent l'unité» de l'Eglise orthodoxe russe.
Quelques jours après, le 6 mars, dans une homélie, il avait déclaré que le conflit était un affrontement entre la «loi de Dieu» et le «péché», dénonçant des «tentatives de destruction de ce qui existe dans le Donbass [...] où la répression et l’extermination de personnes […] se poursuivent depuis huit ans», et appelant à prier «pour que le Seigneur aide [les habitants du Donbass] à préserver la foi orthodoxe [...] pour que la paix vienne le plus tôt possible [et] que le sang de nos frères et sœurs s’arrête de couler».
Moins d'une semaine plus tard, le 10 mars, le chef de l'Eglise orthodoxe russe avait envoyé une lettre au père Ioan Sauca, alors secrétaire général par intérim du Conseil œcuménique des Eglises, dans laquelle il expliquait être «fermement convaincu que les initiateurs [du conflit] ne sont pas les peuples de Russie et d’Ukraine» mais des «forces considérant ouvertement la Russie comme leur ennemie». «Année après année, mois après mois, les Etats membres de l’OTAN ont renforcé leur présence militaire, sans tenir compte des préoccupations de la Russie, qui craint que ces armes ne soient un jour utilisées contre elle», avait-il ajouté, regrettant que ceux-ci cherchent, selon lui, à «affaiblir» la Russie par une «stratégie géopolitique à grande échelle».
A cette occasion, il avait également mis en lumière une «russophobie» qui, d'après lui, se «répand dans le monde occidental à un rythme sans précédent». Il avait enfin assuré prier pour l'établissement d'une «paix durable et fondée sur la justice» le «plus rapidement possible».
Lors d'une messe célébré peu avant Pâques, au mois d'avril, il avait demandé aux fidèles de «faire corps, y compris autour du pouvoir».
Le monde orthodoxe sous tension autour de l'Ukraine
Plus tard dans l'année, le 21 septembre, lors de la célébration de la bataille de Koulikovo (1380), il avait exhorté les orthodoxes rattachés à son patriarcat à ne pas voir d'«ennemi» en Ukraine. «Aujourd’hui, notre patrie, la Russie, la Russie historique, traverse des épreuves difficiles. Nous savons ce qui se passe en Ukraine. Nous savons quel danger guette le peuple ukrainien, avec la tentation de reformater le pays, d’en faire un Etat hostile à la Russie», avait-il ajouté, concluant : «Nous devrions prier aujourd’hui pour que le Seigneur renforce les sentiments fraternels des peuples de la Sainte Russie.»
Dans son discours, le patriarche Kirill avait également évoqué la rupture, en 2018, entre le patriarcat de Moscou et l'Eglise orthodoxe autocéphale d'Ukraine nouvellement crée, la qualifiant de «schisme dangereux, peccamineux et stérile». L'avènement de cette nouvelle Eglise avait participé à tendre les relations entre les patriarcats de Moscou et de Constantinople. En effet, après la reconnaissance – et le placement sous sa juridiction – le 11 octobre 2018, par le patriarcat de Constantinople, de cette prise d'indépendance, le patriarcat de Moscou avait décidé de rompre ses relations avec lui, divisant le monde orthodoxe.
Par ailleurs, en mai dernier, l'Eglise orthodoxe d’Ukraine – canonique et rattachée au patriarcat de Moscou – avait décide de prendre son indépendance vis-à-vis de celui-ci, se disant en désaccord avec «le patriarche moscovite Kirill [...] en ce qui concerne la guerre en Ukraine». Accusée par le pouvoir ukrainien de demeurer un relai d'influence russe, l'Eglise orthodoxe d’Ukraine est visée par le président Volodymyr Zelensky, qui a pris des mesures à son encontre début décembre, déclenchant l'ire de plusieurs responsables russes, dont Dmitri Medvedev, président du parti Russie unie et vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, qui avait fustigé une «persécution». Des perquisitions ont récemment été menées par les services de renseignements ukrainiens dans plusieurs lieux de culte de l'Eglise orthodoxe d’Ukraine.