Régulièrement écartée du traditionnel plaidoyer occidental en faveur des valeurs du «monde libre», la cause de Julian Assange serait-elle en train de refaire progressivement surface dans les hautes sphères politiques en Amérique latine ? C'est en tout cas une dynamique à laquelle œuvre le journaliste d'investigation islandais Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks depuis 2017.
Puisse Assange être libéré de son emprisonnement injuste
«Le président élu du Brésil Lula da Silva a exprimé, lors d'une réunion privée ce soir, son soutien continu à Julian Assange et la demande de mettre fin à la persécution, comprenant qu'elle peut nuire à la liberté de la presse dans le monde. Un vrai homme de passion, de vision et de sympathie», a-t-il écrit ce 29 novembre sur les réseaux sociaux avant de remercier l'homme d'Etat brésilien dans sa langue natale.
«J'étais avec Kristinn Hrafnsson [et] Joseph Farrell, qui m'ont informé de l'état de santé de Julian Assange et de son combat pour la liberté. Je leur ai demandé d'envoyer ma solidarité. Puisse Assange être libéré de son emprisonnement injuste», a pour sa part déclaré Lula, qui va officiellement être investi président de la République fédérative du Brésil le 1er janvier 2023, et qui défend Julian Assange de longue date.
Cette publication survient une semaine après une rencontre similaire, lors de laquelle l'actuel rédacteur en chef de WikiLeaks s'était entretenu avec le chef d'Etat colombien Gustavo Petro. A l'issue de cet échange, le président de la Colombie avait publiquement déclaré : «Je demanderai au président [Joseph] Biden avec d'autres présidents latino-américains de ne pas inculper un journaliste simplement pour avoir dit la vérité.»
Un autre président latino-américain apporte un soutien sans faille à Julian Assange : Andrés Manuel López Obrador, que les Mexicains ont élu en 2018. Egalement connu sous l'acronyme «AMLO», ce dirigeant de gauche s'est en effet prononcé à plusieurs reprises en faveur de la libération du fondateur de WikiLeaks, allant jusqu'à exprimer publiquement sa volonté de lui offrir l'asile politique.
Lâché en avril 2019 par l'Equateur, qui lui avait accordé l'asile sept ans plus tôt, Julian Assange voit donc aujourd'hui sa cause défendue par plusieurs chefs d'Etat d'Amérique latine, tous de gauche. Ces prises de position publiques seront-elles à l'origine d'autres initiatives en ce sens ?
En tout état de cause, il faut noter que le président du Venezuela, Nicolas Maduro, avait pour sa part réagi le jour même du transfert de Julian Assange à la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh.
Le dirigeant vénézuélien avait alors dénoncé «la décision [équatorienne] atroce de priver [...] Julian Assange du droit d'asile diplomatique, ainsi que son arrestation ultérieure à Londres, maladroitement et honteusement exécutée par des policiers britanniques». «Julian Assange est un militant de la liberté d'information et d'expression, un droit universel de l'humanité. Le fait qu'il soit traduit en justice et potentiellement extradé vers les Etats-Unis est un déshonneur honteux pour ses droits humains et le droit international», avait-il poursuivi.
Un calvaire sans répit pour Julian Assange
Quoi qu'il en soit, la situation du fondateur de WikiLeaks est plus que jamais préoccupante : après avoir essuyé un premier refus de la justice britannique début 2021, l'administration américaine a depuis multiplié ses efforts afin d'obtenir son extradition outre-Atlantique. Ainsi, Londres a rouvert la voie à l'extradition de Julian Assange au début de l'été 2022, décision face à laquelle les motifs d'appel déposés par la défense du journaliste australien ont été détaillés fin août.
A l'heure où cet article est publié, Assange est enfermé depuis plus de trois ans et demi dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh, bien qu'il n'y purge plus aucune peine. En effet, les démarches répétées de l'administration américaine empêchent le fondateur de WikiLeaks de recouvrer sa liberté. La justice britannique a clairement refusé de libérer le journaliste australien, estimant qu'il existait «des motifs sérieux de croire que si Julian Assange était libéré aujourd'hui, il ne se rendrait pas au tribunal pour faire face à la procédure de recours».
Julian Assange, dont les travaux lui ont valu plusieurs prix de journalisme à travers le monde, et qui continue de recevoir le soutien de plusieurs organisations représentatives de la profession, risque aux Etats-Unis 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan, impliquant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.