Le 15 avril lors de son dernier interrogatoire au procès des attentats du 13 Novembre, le terroriste Salah Abdeslam a versé des larmes et présenté ses excuses. Depuis le 13 avril, le principal accusé et seul membre encore en vie des commandos djihadistes est interrogé devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Mis face à ses contradictions, celui qui avait gardé le silence pendant la quasi-totalité de l'enquête s'accroche à la dernière version qu'il a livrée de son rôle le soir des attentats : il devait se faire exploser dans un bar du XVIIIe arrondissement de Paris mais y a «renoncé» sur place, à la vue de ces jeunes gens qui s'amusaient et qui lui ressemblaient.
En milieu d'après-midi, l'une de ses avocats, Olivia Ronen, s'est avancée à la barre pour sa dernière série de questions.
«Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir eu le "courage" d'aller jusqu'au bout ?», lui demande-t-elle.
«Je ne regrette pas, je n'ai pas tué ces personnes et je ne suis pas mort», a-t-il répondu. «Je me dis... s'ils savaient à côté de quoi ils sont passés», a ajouté le Français de 32 ans, collier de barbe noire, sweatshirt gris sur le dos.
C'est en évoquant sa mère que les larmes ont coulé sur ses joues, pour la première fois depuis le début du procès en septembre.
Je vous demande aujourd'hui de me détester avec modération
«Je voudrais dire aujourd'hui que cette histoire du 13 Novembre s'est écrite avec le sang des victimes. C'est leur histoire, et moi j'en ai fait partie. Ils sont liés à moi et je suis lié à eux», a-t-il ensuite déclaré, la voix tremblante.
«Je veux présenter mes condoléances et mes excuses à toutes les victimes [...]. Je vous demande de me pardonner», a-t-il poursuivi, avant d'ajouter : «Je sais que la haine subsiste [...]. Je vous demande aujourd'hui de me détester avec modération.»
Il s'est adressé aux trois accusés jugés pour l'avoir aidé dans sa fuite, après les attentats, en leur demandant de le «pardonner». «J'ai pas voulu [les] entraîner là-dedans», a-t-il assuré.
L'un d'eux, qui a comparu libre, a quitté la salle les yeux remplis de larmes.
«Je sais que ce ça ne va pas vous guérir», explique Salah Abdeslam. «Mais si ça peut vous faire du bien, si j'ai pu faire du bien à une seule des victimes alors pour moi c'est une victoire», a-t-il affirmé.
Réactions mitigées chez les victimes
«C'est une surprise», a réagi à l'extérieur Georges Salines, dont la fille a été tuée au Bataclan. Le pardon, «c'est important qu'il le demande... nous allons y réfléchir», a-t-il ajouté.
«Je pense qu'il était sincère», a de son côté estimé Cédric, un rescapé des attaques, qui a cependant souligné le caractère «paradoxal» de Salah Abdeslam, un djihadiste «pas fini» qui semble regretter ce qu'il a fait tout en étant incapable de condamner les actions du reste du commando ou du groupe Etat islamique.
«Chacun a sa vision de ce témoignage et son analyse de ces larmes. Ni mes clients ni moi-même n'avons été émus par cet exercice de style», a pour sa part lâché Gérard Chemla, avocat d'une centaine de victimes.
Dans ce «discours construit et policé, [il] a pleuré sur lui et ses amis, pas sur les victimes», a-t-il complété.
Au tout début de la journée, une avocate des parties civiles avait rappelé à Salah Abdeslam qu'il s'était plaint de «l'image erronée» donnée de lui. Alors, «comment voudriez-vous qu'on se souvienne de vous ?», avait-t-elle questionné. «Je veux qu'on ne se souvienne pas de moi», répond Salah Abdeslam qui continue : «Je veux être oublié à jamais, je n'ai pas choisi d'être celui que je suis aujourd'hui.»