Une «infraction insuffisamment caractérisée» : c'est le motif avancé par le parquet de Versailles, qui a décidé, le 1er février, de classer sans suite l'enquête ouverte en janvier 2021 pour «menaces sur personne chargée de mission de service public». Des menaces dont Didier Lemaire, professeur de philosophie à Trappes (Yvelines), avait assuré faire l'objet, après avoir publié dans L'Obs, en novembre 2020, une lettre ouverte intitulée Comment pallier l'absence de stratégie de l'Etat pour vaincre l'islamisme?, un mois après l'assassinat par décapitation de l'enseignant Samuel Paty par un jeune Tchétchène, qui lui reprochait d'avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.
Didier Lemaire, soudain très médiatisé, avait participé à de nombreuses émissions, y affirmant être la cible «de propos haineux» et «d'attaques» à Trappes. Cette affaire avait rallumé la polémique sur le poids des islamistes dans cette ville des Yvelines qui avait vu le départ de dizaines de ses jeunes vers la Syrie et pris un tour très politique. Le maire de Trappes, Ali Rabeh, avait ainsi contesté les affirmations de l'enseignant, puis porté plainte au nom de la ville pour diffamation contre l'essayiste Eric Zemmour – désormais candidat à la présidentielle – et l'eurodéputé du Rassemblement national Jordan Bardella, le premier ayant qualifié Trappes de ville «régie par la loi islamique», le second ayant accusé l'élu de faire preuve de «complaisance» avec l'islamisme.
En février 2021, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait proposé à l'enseignant une «protection rapprochée», que Didier Lemaire avait acceptée. «On nous a signalé des inquiétudes vis-à-vis du professeur à l'encontre duquel des menaces auraient été proférées», avait indiqué le parquet lors de l'ouverture de l'enquête sur les menaces évoquées par Didier Lemaire.
Celui-ci n'est plus enseignant de philosophie à Trappes, a été détaché à partir du 1er février par l'académie de Versailles auprès du conseil régional d'Ile-de-France, a indiqué le rectorat. «Je m'en réjouis, cela veut dire qu'il y a moins de danger pour moi», a-t-il réagi auprès de l'AFP. Interrogé par Cnews, il a indiqué «ne pas être surpris» de ce classement sans suite, qu'il a qualifiée de «décision juridique conforme au droit». Il a précisé que la police lui avait «conseillé de porter plainte», tout en lui disant «que les propos rapportés pouvaient être interprétés comme des "opinions"». Pour autant, a-t-il ajouté, «la question évidemment se pose [...] des propos des gens qui vous accusent de stigmatiser des élèves ou une population, voire d'être islamophobe et raciste», dans un «contexte de djihadisme d'atmosphère et de recomposition des forces djihadistes».