France

Un professeur dit avoir été placé sous protection policière après une tribune défendant Samuel Paty

Se disant victime de propos haineux pour avoir publié une tribune défendant Samuel Paty, Didier Lemaire, professeur de philosophie dans un lycée de Trappes, affirme se rendre à son travail sous escorte policière.

Didier Lemaire, professeur de philosophie dans un lycée à Trappes (Yvelines), affirme être la cible de menaces depuis la publication, le 1er novembre, d'une lettre ouverte dans L'Obs en soutien à Samuel Paty. Il a évoqué sa situation sur LCI le 7 février.

«[La lettre] était adressée aux enseignants […] C'est un appel à protéger nos élèves de la pression islamiste, qui ne cesse de se renforcer dans certains quartiers», a expliqué Didier Lemaire qui a demandé à l'Etat d'agir.

Beaucoup tenaient des propos haineux contre moi, m'accusant d'islamophobie, de racisme, de stigmatisation de cette population

Son initiative n'aurait pas été du goût de plusieurs de ses élèves qui lui auraient reproché sa prise de position : «Dans une de mes classes, les réactions ont été très hostiles. Les élèves m'ont demandé pourquoi j'avais écrit une lettre contre eux. Je leur ai expliqué que j'avais écrit une lettre pour eux, pour les protéger.»

Le climat d'hostilité envers le professeur se serait ensuite propagé dans toute la ville : «Le commandant de police m'a expliqué que Trappes était en ébullition, que la ville entière discutait de cette lettre», a regretté Didier Lemaire. Une version qui est néanmoins fortement nuancée par Mediapart, éléments à l'appui.

«Beaucoup tenaient des propos haineux contre moi, m'accusant d'islamophobie, de racisme, de stigmatisation de cette population. Ces attaques, après l'assassinat de Samuel Paty, sont une manière de me désigner comme une cible», a-t-il poursuivi.

L'enseignant en philosophie serait depuis sous escorte policière : «A l'entrée et à la sortie de l'établissement, les policiers m'accompagnent et vérifient que je ne suis pas suivi par une voiture. L'entrée du lycée est sécurisée.» Assurant ne pas avoir peur, le professeur confesse vérifier néanmoins si ses «portières sont bien fermées» en sortant du lycée.

Une situation qui l'a poussé à faire un appel à la profession dans cette tribune publiée dans L'Obs : «Tous les enseignants qui vivent cette situation comme la mienne devraient prendre la parole et dire ce qu'il se passe en France», a t-il estimé. «Les enseignants vivent dans la peur. Un sur deux s'autocensure.»

J'ai écrit une lettre au président de la République en 2018

Et le professeur de décrire la situation telle qu'il la perçoit dans la ville de Trappes : «J'enseigne à Trappes depuis vingt ans, j'ai eu le temps de voir l'évolution de cette ville, de voir mes élèves se transformer. J'ai écrit une lettre au président de la République en 2018. Depuis, j'ai vu plus de transformation à Trappes qu'en 18 ans. [...] Il y a 20 ans, la synagogue brûlait, les juifs puis un peu plus tard les Portugais s'en allaient [de Trappes]. Aujourd'hui, ceux qui s'en vont sont les musulmans modérés et les athées. Il n'y a pas un seul coiffeur mixte à Trappes. Les femmes maghrébines ne peuvent pas entrer dans un café.»

Une situation «problématique» pour le professeur qui évoque son avenir : «Je ne sais pas encore ce qu'il en sera pour moi demain. On me propose manifestement un déplacement dans un autre établissement». Une mutation qui est pour l'enseignant «une manière de nier le problème.» «Je ne peux pas l'accepter, je souhaiterais rester. Mais ce n'est plus possible, ou alors il va falloir renforcer ma sécurité», a t-il conclu.

Un témoignage révélateur d'un malaise de plus en plus palpable au sein du corps enseignant. Le 25 janvier, deux professeurs du collège Lucie-Aubrac de Givors (Rhône) avaient entamé une grève de la faim afin d'obtenir un classement en REP+ et une hausse des moyens de l'établissement à la suite d'une série d'agressions.