L'examen du projet de loi sur le pass vaccinal a été de nouveau suspendu en pleine nuit ce 5 janvier en raison de la colère de l'opposition, provoquée à l'Assemblée nationale par le président français Emmanuel Macron qui a affirmé dans un entretien publié la veille vouloir «emmerder» les non-vaccinés «jusqu'au bout».
«Les conditions d'un travail serein ne sont pas réunies», a déclaré peu avant 2h le président de séance, Marc Le Fur (LR), en annonçant que les débats de cette première lecture reprendraient à 15h. «Propos indignes», «insultants», les élus d'opposition se sont déchaînés contre les déclarations d'Emmanuel Macron, multipliant les suspensions de séance et demandes de rappel au règlement, avant d'exiger, en vain, la venue du Premier ministre Jean Castex, dans une ambiance survoltée. La crise sanitaire, avec l'envolée des contamination dues au variant Omicron – 271 000 le 4 janvier, avec un total de 3 665 personnes en soins critiques –, sera à nouveau à l'ordre du jour d'un conseil de défense et d'un conseil des ministres ce 5 janvier.
«Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça, la stratégie», avait clamé le chef de l'Etat dans un entretien au Parisien. «Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n'est plus un citoyen», ajoutait-il. Les propos d'Emmanuel Macron ont ruiné une amorce d'apaisement au palais Bourbon, déjà agité la nuit précédente par un vote surprise suspendant temporairement les travaux sur ce texte, au grand dam de la majorité.
Le monarque présidentiel [...] se permet d'insulter une partie des Français
Le patron des députés LR, Damien Abad, a fustigé des propos «indignes, irresponsables et prémédités» qui relèvent d'un «cynisme puéril», tandis que le président des Républicains Christian Jacob s'est «refusé à cautionner un texte qui vise à emmerder les Français».
A l'autre bout de l'hémicycle, Ugo Bernalicis (LFI) a dénoncé une «crise politique déclenchée par le monarque présidentiel, qui se permet d'insulter une partie des Français». Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, a pour sa part estimé que le projet de pass vaccinal instaurait désormais une forme de «déchéance de nationalité», tout comme le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel.
Plusieurs élus d'opposition ont réclamé en vain la venue immédiate du Premier ministre Jean Castex dans l'hémicycle pour expliquer la ligne de l'exécutif après le propos du président. Au banc du gouvernement, le ministre de la Santé Olivier Véran a tenté d'expliquer la parole présidentielle, dans un langage plus policé. «Le mal qui ronge notre pays, c'est une vaccination qui bien qu'importante, reste insuffisante», s'est-il défendu.
Le pass vaccinal pour les mineurs reporté de 12 à 16 ans dans certains cas
Le 4 janvier en début de soirée les députés étaient pourtant parvenus à s'accorder sur l'épineuse question du pass vaccinal pour les mineurs, reporté de 12 à 16 ans pour les sorties scolaires et activités péri et extrascolaires, mais pas pour les activités privées comme aller au restaurant. Un compromis voté à la quasi-unanimité (386 voix contre 2), sur la base d'un amendement de la socialiste Cécile Untermaier, sous-amendé par le gouvernement. «C'est une bonne chose pour tous les enfants et adolescents», s'était félicité Damien Abad pour LR, Cécile Untermaier se réjouissant de voir les députés «atterrir ensemble» sur cette question clivante de l'âge du pass vaccinal pour les jeunes. «Nous arrivons à construire un consensus de compromis», avait renchéri Guillaume Gouffier-Cha (LREM).
Le vote la veille refusant la poursuite toute la nuit de l'examen du texte avait déjà provoqué des remous. Les oppositions avaient raillé l'incapacité de la majorité à être présente en nombre suffisant dans l'hémicycle pour éviter ce «camouflet», et dénoncé une absence de volonté de dialogue du gouvernement. Le gouvernement avait de son côté accusé l'opposition, en particulier les députés LR, de chercher à faire un «coup» politique sans considération pour la gravité de la crise sanitaire.
Quelque 450 amendements restent à être étudiés lors de cette première lecture au Palais Bourbon. L'exécutif vise une adoption définitive en fin de semaine ou début de semaine prochaine du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal, avant une entrée en vigueur au 15 janvier.