A l'issue de débats souvent électriques, l'Assemblée a donné dans la nuit du 20 au 21 octobre un premier feu vert au projet de loi «vigilance sanitaire», avec la possibilité controversée de recourir au pass sanitaire jusqu'au 31 juillet et l'autorisation pour les chefs d'établissement du secondaire de connaître le statut vaccinal des élèves. Ce troisième projet de loi abordant la question du pass sanitaire en cinq mois a une nouvelle fois permis aux oppositions de droite et de gauche de donner de la voix contre la gestion gouvernementale de la crise.
Coincé entre l'examen du budget de l'Etat et celui de la Sécurité sociale, le projet de loi a été adopté par seulement 10 voix d'écart, 135 voix pour et 125 contre au bout de deux jours de débats régulièrement marqués par des passes d'armes et invectives dans l'Hémicycle. Le texte atterrira au Sénat dès le 28 octobre.
Un texte adopté de justesse
La majorité a cependant évité de justesse un couac retentissant peu avant 22 heures, au moment du vote de l'article 2, coeur du projet de loi, avec une adoption de justesse par 74 voix pour et 73 contre.
Pointés du doigt le 19 octobre en réunion de groupe par le chef de file des «marcheurs» Christophe Castaner, les problèmes ponctuels de mobilisation dans l'Hémicycle chez les députés La République en marche (LR) n'ont à l'évidence pas été résolus.
«A une voix près, les marcheurs qui ne marchent pas aussi sûrement qu'hier ont failli buter sur le mur de la contestation de l'opposition», a tonné le communiste Sébastien Jumel. «Votre dérive sur le pass sanitaire ne passe pas !», a lancé le député de la Seine-Maritime.
Présenté comme une «boîte à outils», le projet de loi propose de prolonger le recours au pass sanitaire et toute une batterie de mesures pour freiner l'épidémie dans le cadre d'un régime post-crise jusqu'au 31 juillet 2022. En Guyane, l'état d'urgence sanitaire est prolongé jusqu'au 31 décembre 2021. S'il n'y a «pas de vague épidémique»"aujourd'hui en France, le ministre de la Santé Olivier Véran a mis en avant la situation sanitaire hors de l'Hexagone : «à l'étranger, en Belgique, ca monte fort, aux Pays bas ça monte fort […] L'épidémie n'est pas terminée».
Les chefs d'établissement du second degré connaîtront le statut vaccinal des élèves
Alors que planait l'incertitude sur une hypothétique levée du pass à la mi-novembre, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a douché les enthousiasmes le 20 octobre, à l'issue du Conseil des ministres. «Aujourd'hui, vu la situation, je ne vois pas comment une adaptation pourrait intervenir au 15 novembre», a-t-il annoncé. Cette potentielle prolongation du pass sanitaire pour huit mois – «enjambant» ainsi la présidentielle et les législatives – et à la main de l'exécutif fait a une fois encore suscité de vives contestations de la part des oppositions de tous bords.
Situation en Outre-mer, mesures d'âge sur le pass sanitaire, fin de la gratuité des tests, état d'urgence jugé liberticide, suspension de soignants, changement de pied de la majorité sur le périmètre d'application du pass avant et après le 12 juillet, etc : droite et gauche ont déroulé leur inventaire de reproches. «La répétition est utile», a ironisé Olivier Véran, jamais avare de coups de griffe.
Comme attendu, la majorité est revenu sur le couac survenu en commission des lois où le député LREM Pacôme Rupin, opposant résolu au pass, avait fait adopter de justesse un amendement qui prévoit de circonscrire l'utilisation du pass géographiquement et en fonction du taux d'incidence de l'épidémie. LREM, Modem et Agir sont revenus à la logique nationale du pass, tout en prenant en compte plusieurs critères que les «marcheurs» tiennent à spécifier pour justifier le recours au pass : taux de vaccination, de positivité des tests de dépistage, d'incidence ou de saturation des lits de réanimation – avec des niveaux à définir.
L'Assemblée a par ailleurs adopté un amendement du gouvernement qui concerne la connaissance du statut vaccinal des élèves par les directeurs d'écoles ou les chefs d'établissement du second degré. Cette mesure était présentée pour la deuxième fois, après une première tentative retoquée en juillet. Elle vise selon le gouvernement à «faciliter l'organisation de campagnes de dépistage et de vaccination et d'organiser des conditions d'enseignement permettant de prévenir les risques de propagation du virus». «Vous ouvrez une brèche impensable dans un secret [médical] qui doit être conservé», a fustigé le député Les Républicains Philippe Gosselin, à l'unisson avec les autres oppositions.