France

«Massacrer le peuple français» : débats houleux à l'Assemblée sur la prolongation du pass sanitaire

Les députés ont commencé l'examen d'un nouveau projet de loi du gouvernement prévoyant la possibilité de recourir au pass sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022. Une mesure qui a suscité de vives réactions de la part d'élus de tous bords.

Dans la soirée du 19 octobre, les députés ont débuté dans un climat houleux l'examen d'un nouveau projet de loi consacré à la crise du Covid, avec la possibilité de recourir au pass sanitaire jusqu'au 31 juillet. Un délai contesté par l'ensemble des oppositions.

Les députés vont se prononcer sur la prolongation du pass sanitaire pour huit mois, en «enjambant» les élections présidentielle et législatives. Seule une cinquantaine d'amendements ont été examinés le 19 octobre en première lecture, sur les quelque 350 amendements au programme jusqu'au lendemain.

Au coup d'envoi des débats sur ce texte de «vigilance sanitaire», le ministre de la Santé Olivier Véran a souligné que la loi permettra seulement «si la situation l'exige» de maintenir le pass sanitaire jusqu'au 31 juillet ou de «déclencher l'état d'urgence», alors que la France métropolitaine vit actuellement sous un régime transitoire de sortie de l'urgence sanitaire. Mais la perspective d'allègement du pass demeure et sera «examinée à la mi-novembre», a assuré Olivier Véran.

Des propos qui n'ont pas réussi à calmer les inquiétudes d'élus de droite comme de gauche, qui critiquent un «chèque en blanc», dans un «état d'exception» qui dans les faits devient «la norme», avec un pays qui pendant les six dernières années, entre les attentats et la crise sanitaire, a vécu plus de trois ans sous différents états d'urgence.

Un «déni de démocratie» et une «atteinte aux libertés» pour l'opposition

Le déluté Les Républicains (LR) Philippe Gosselin a défendu en vain une motion de rejet contre cette «banalisation de l'état d'urgence». «Ce texte propose d'enjamber la représentation nationale parce que nous suspendons nos travaux le 28 février. Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas la fin de notre mandat», a-t-il pointé. Depuis le perchoir de l'hémicycle, celui-ci a regretté le fait qu'il n'y aurait pas de «territorialisation» des mesures de lutte contre le Covid-19, en critiquant un «double discours qui n'est pas juste et qui n'est bon» concernant le rapport du gouvernement avec les collectivités territoriales.

La communiste Karine Lebon a dénoncé un «déni de démocratie» et l'insoumise Mathilde Panot des décisions prises au gré «des ordres et des contre-ordres de Jupiter». «Vous avez institué un modèle de gouvernement inédit : l'absurdie généralisée», a-t-elle affirmé.

Son collègue de la France insoumise Jean-Hugues Ratenon a lui expliqué que le pass sanitaire était «une menace pour les libertés publiques», celui-ci instaurant «une société de contrôle permanent». Le député de La Réunion a terminé son intervention en précisant que le groupe LFI voterait la motion déposée par LR contre le texte du gouvernement.

Le candidat à la présidentielle de 2022 et député de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan a estimé que, «au delà du mépris du Parlement», le gouvernement «mépris[ait] les Français, tout simplement». «Vous voulez voter ce projet pour porter atteinte aux libertés de nos concitoyens [...] pour maintenir une discrimination scandaleuse entre les vaccinés et les non-vaccinés», a précisé le président de Debout la France

La députée Martine Wonner, ex-LREM désormais sans étiquette à l'Assemblée et opposante notoire à la vaccination et au pass sanitaire, s'est exprimé en ces termes : «Quand on est face à une épidémie on soigne, ou on prévient [...] mais on arrête de vouloir toujours et encore enfermer. Vous avez menti, vous continuez à mentir. Les Français n'en peuvent plus [...] Le Parlement ne peut pas vous donner un blanc seing [...] Nous ne pouvons pas continuer à vous laisser faire ce que vous êtes en train de faire, c'est-à-dire massacrer le peuple français sur le plan économique et social pour de faux prétextes».

«L'état d'urgence sanitaire au-delà de la présidentielle ? On ne sait pas qui va être élu, imaginez que ce soit un extrémiste», a mis en garde l'UDI Michel Zumkeller, au centre droit.

En commission des Lois, le député LREM de Paris Pacôme Rupin, opposant résolu au pass sanitaire, a grippé le projet gouvernemental en faisant adopter de justesse un amendement qui prévoit de circonscrire l'utilisation du pass géographiquement.

Le Conseil constitutionnel devrait être saisi par les oppositions si le projet de loi n'évolue pas au fil de la navette parlementaire, prévue jusque début novembre.