Les députés des oppositions – de gauche comme de droite – ont tiré le 19 octobre à boulets rouges sur la volonté d'Emmanuel Macron de restreindre le droit d'amendement des parlementaires, exprimée la veille à Poitiers. Certains élus de la majorité ont également émis des réserves quant à cette annonce.
Le 18 octobre, lors de son discours aux Etats généraux de la justice, le chef de l'Etat avait égratigné le droit d'amendement des parlementaires en estimant qu'une réforme constitutionnelle s'imposait sur ce sujet. «Nous avons collectivement contribué à une inflation législative», a déclaré le président de la République, en considérant que cela contribuait «à l'illisibilité de notre droit».
«Les lois sont plus nombreuses, elles sont à chaque fois en quelque sorte grossies par le droit d'amendement, qui est un droit évidemment totalement légitime du Parlement, mais il est clair que sur ce sujet, une réforme de notre Constitution s'imposera», a poursuivi Emmanuel Macron.
La séparation des pouvoirs mise en cause
«Il faut respecter la séparation des pouvoirs. Avec sa remise en cause du droit d'amendement qui est individuel, Macron piétine le droit du Parlement», a tancé devant la presse Damien Abad, patron des députés Les Républicains (LR).
Son collègue Julien Aubert a estimé sur Twitter qu'Emmanuel Macron devrait commencer «par balayer devant sa porte». «Des ordonnances en pagaille, des projets de lois de la taille d’un sumo... Si le gouvernement respectait plus le Parlement en amont, celui-ci ne tenterait pas de bloquer ou d’amender en aval», a expliqué le député LR du Vaucluse.
«En manifestant son hostilité à l'endroit du droit d'amendement, Emmanuel Macron démontre qu'il a un problème avec le débat parlementaire», a critiqué le député socialiste Boris Vallaud.
«Il faut lui expliquer [à Emmanuel Macron] qu’il ne nous reste plus que ça. Sinon, on peut fermer la boutique, si c’est ça qu’il veut, on fait un régime présidentiel sans Parlement», s'est exclamé le député UDI Michel Zumkeller, expliquant les propos du président par le fait qu'il «n’a pas été parlementaire».
«Nous sommes dans un système de séparation des pouvoirs. C’est comme [vouloir] restreindre le temps de parole du président de la République», a de son côté commenté Olivier Becht, patron des députés Agir, pourtant alliés de la majorité. Celui-ci invite cependant à «l’auto-contrôle».
Le député LREM Sacha Houlié a souligné auprès de l'AFP que «l'inflation législative est d'abord liée aux projets de lois», c'est-à-dire aux textes présentés par le gouvernement. Selon ce membre de la commission des Lois, le débat «renvoie surtout à l'impuissance réelle ou supposée des parlementaires et à la véritable définition de leur rôle alors qu'ils sont coincés entre les exécutifs national et locaux».
Le droit d'amendement avait déjà été dans le collimateur de l'exécutif à l'occasion du projet de réforme des institutions en 2018, mais ce projet avait été avorté en raison du scandale de l'affaire Benalla. Prévu par la Constitution du 4 octobre 1958, le droit d'amendement est partagé entre le Parlement et le gouvernement. Celui-ci permet de modifier les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi lors de l'étude de ceux-ci par l'Assemblée nationale ou le Sénat.