Le 21 septembre, le djihadiste français Tyler Vilus a été condamné en appel à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises spéciale de Paris pour des crimes commis entre 2013 et 2015 en Syrie avec Daesh. Il avait été condamné à 30 ans de prison ferme en première instance.
Figure de la «djihadosphère» francophone, à la fois combattant, chef d'escouade, prosélyte en ligne, recruteur et membre de la police de Daesh, cet homme de 31 ans a été interpellé à l'aéroport d'Istanbul à l'été 2015 en revenant en Europe pour commettre un attentat.
La cour a assorti cette peine de la période de sûreté maximale de 22 ans estimant que, l'accusé niant une partie des faits qui lui étaient reprochés, «le risque de réitération demeure majeur». Elle l'a notamment déclaré coupable d'avoir participé au printemps 2015 dans la rue principale de Shaddadi (une ville du nord-est de la Syrie) à l'exécution publique de deux prisonniers, yeux bandés et revêtus d'une combinaison orange. Une mise à mort filmée et diffusée dans une vidéo de propagande de Daesh.
Debout dans le box vitré, l'accusé a écouté le verdict tête baissée dans une salle occupée par un impressionnant déploiement de gendarmes lourdement équipés.
Une plongée dans l'enfer de la guerre en Syrie
Au cours des huit jours d'audience sur l'Ile de la Cité, la cour d'assises spéciale s'est immergée dans l'enfer syrien, entre luttes fratricides opposant les diverses factions djihadistes, carnages d'une rare cruauté et fantômes d'auteurs d'attentats en Europe.
Dans un écho au titanesque procès des attaques du 13 Novembre – perpétrées par certains proches de Tyler Vilus et jugés au même moment à quelques salles de là – c'est tout le microcosme des djihadistes francophones en Syrie qui s'est retrouvé radiographié dans le prétoire. Un petit monde peuplé de morts, dont l'accusé est l'un des derniers survivants.
Je ne suis pas en train de brandir un repentir
Gabarit imposant et cheveux tressés en petites nattes, Tyler Vilus a assumé lors du procès son appartenance à l'organisation extrémiste, mais il a continué de nier les exactions en Syrie qui lui étaient reprochées. Prolixe dans le box vitré, il s'est tout du long efforcé de minimiser son rôle au sein de Daesh. «Je ne suis pas en train de brandir un repentir, d'appuyer sur ce point-là. J'ai conscience des faits, des crimes que j'ai commis», a-t-il affirmé dans ses derniers mots à la cour.
Un petit trafiquant devenu «émir»
Durant ses deux ans et demi en Syrie, «Vilus a œuvré avec zèle pour un Etat totalitaire fondé sur le règne de la terreur», a pour sa part cinglé l'avocate générale Naïma Rudloff.
«Traficoteur» sans but dans la vie, Tyler Vilus se convertit brusquement à l'islam en 2011, à l'âge de 21 ans. Aussitôt, il part s'installer dans la Tunisie post-révolution où de nombreux mouvements djihadistes prolifèrent dans le vide laissé par la chute du dictateur Ben Ali. Il y parachève sa radicalisation et noue des contacts utiles. Mais vite frustré par l'hésitation des mouvements djihadistes tunisiens à prendre les armes, il se jette dès fin 2012 dans le bain de sang syrien.
Là-bas, le passage par le «sas» tunisien lui donne ses lettres de noblesse et lui confère une position de supériorité sur les combattants arrivés directement de France. Dès l'été 2013, il est «émir» à la tête d'une unité de combattants francophones. Fin 2013-début 2014, Tyler Vilus est membre de l'ultraviolente «brigades des immigrés» de Daesh, une escouade de djihadistes étrangers – français et belges pour une bonne part – qui sévit dans les environs d'Alep. «Des jeunes hilares qui perpètrent des massacres dans une ambiance de film d'horreur», tel que décrit par un responsable des renseignements français à l'audience.