France

Avec un nouveau vote, l'Assemblée valide le pass sanitaire après l'avoir rejeté

Après la fronde des élus MoDem, l'Assemblée nationale a finalement adopté, après un second vote, le projet de loi de sortie progressive de l'état d'urgence sanitaire, qui comprend l'instauration d'un pass sanitaire.

Dans la nuit du 11 au 12 mai, l'Assemblée nationale a finalement adopté le pass sanitaire par 208 voix contre 85, après une journée agitée en raison de la fronde du MoDem au sein de la majorité. Le texte voté comporte également le projet de sortie progressive de l'état d'urgence, légèrement modifié.

Le gouvernement a été contraint de revoir l'article premier du texte, sans toutefois modifier les dispositions concernant le pass sanitaire. Ainsi réécrits, l'article premier et le projet de loi, voté par 208 voix contre 85, ont été adoptés en première lecture. Le Sénat s'en emparera en séance le 18 mai. 

Le gouvernement avait dû demander une seconde délibération, après que, à la surprise générale, une majorité de députés (108 contre 103) eurent voté le 11 mai en fin de journée contre l'article du projet de loi qui comprenait notamment l'instauration du très contesté pass sanitaire. Après ce rejet, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé un autre vote.

Un pass sanitaire trop «flou»

Introduit par le gouvernement en commission, le pass sanitaire était au cœur des crispations, même si les groupes MoDem ou LR ne sont pas opposés à son principe.

Cet outil doit subordonner l'accès des grands rassemblements ou de certains lieux à la présentation d'un résultat négatif de dépistage du virus, ou bien un justificatif de vaccination, ou encore une attestation de rétablissement après une contamination. Pour les grands rassemblements nécessitant le pass, une jauge à 1 000 personnes a été promise par le gouvernement, mais sans être inscrite dans le marbre de la loi.

Pour le MoDem, la rédaction de cette disposition dans l'article 1 était trop «floue». A l'unisson avec les oppositions, il réclamait davantage de précisions au regard de son périmètre et de ses critères d'application (surface, densité, extérieur/intérieur, etc). La publication d'une interview au Parisien du Premier ministre n'avait rien arrangé : Jean Castex y a en effet annoncé qu'au cinéma ou au spectacle, «la règle sera 1 siège sur 3, avec un plafond de 800 personnes par salle».

Le groupe centriste espérait aussi une réouverture des discothèques début juillet, avec pass sanitaire, mais n'a pas eu gain de cause à ce stade. Le gouvernement s'est contenté de promettre au secteur une «clause de revoyure» en juin.

Qui a voté pour ? Qui a voté contre ?

Dans les rangs de la majorité, le projet de loi a été unanimement validé par les 148 votants du groupe La République en marche (sur 269 membres). Chez leurs alliés du MoDem (58 membres), 49 ont pris part au vote. 44 ont voté pour et 5 se sont abstenus. Les 16 députés votants du groupe Agir Ensemble (sur 21) ont tous voté pour.

Les députés du groupe UDI et Indépendants (12 sur 18) ont eux voté contre le texte. Chez Les Républicains, 38 députés ont participé (sur 104). 36 ont voté contre, le seul à s'être abstenu étant Guillaume Larrivé (Yonne). Les députés Eric Ciotti (Alpes-Maritimes) ou encore le président du parti Christian Jacob (Seine-et-Marne) n'ont pas pris part au vote.

Parmi les 29 membres du groupe Socialistes et apparentés, les dix votants ont tous voté contre à l'image de Boris Vallaud (Landes).

Dans le groupe La France insoumise, les huit députés ayant pris part (sur 17) ont eux aussi unanimement rejeté le texte comme Jean-Luc Mélenchon (Bouches-du-Rhône), Ugo Bernalicis (Nord) ou encore Adrien Quatennens (Nord).

Même constat au sein du groupe Gauche démocrate et républicaine avec huit députés votants (sur 16) qui ont tous voté contre à l'image de Marie-George Buffet (Seine-Saint-Denis) ou du président du groupe André Chassaigne (Puy-de-Dôme).

Sur les 18 membres du groupe Libertés et Territoires, quatre ont voté. Trois ont voté contre et Jean Lassalle (Pyrénées-Atlantiques) s'est abstenu. Ce dernier avait voté pour, lors de la seconde délibération autour de l'article premier du texte.

Enfin, tous les non-inscrits présents ont voté contre comme Nicolas Dupont-Aignan (Essonne) ou encore Joachim Son-Forget (Français établis hors de France). Marine Le Pen n'a pas participé au vote.

L'attitude du gouvernement mise en cause par les élus MoDem

Outre le fond, la forme des débats a particulièrement exaspéré les députés, qui ont pointé du doigt une attitude jugée désinvolte voire méprisante du ministre de la Santé Olivier Véran et du secrétaire d'Etat à la transition numérique Cédric O. «On a eu un rapporteur absent qui lisait ses fiches et deux ministres au banc qui ont passé beaucoup de temps sur leurs portables», a tancé le MoDem Bruno Millienne.

Au point qu'une source parlementaire citée par l'AFP estime que le lâchage des alliés centristes n'est pas lié à une mesure précise du texte, mais à une «accumulation de frustrations» des élus MoDem dans la majorité, alors que des propositions qui leur tenaient à cœur (telles que la proportionnelle aux législatives 2022) semblent enterrées.

«Le gouvernement n'est pas sourd au message qu'a envoyé la représentation nationale cet après-midi», a cependant affirmé le ministre de la Santé Olivier Véran, dans un brouhaha interrompu par des suspensions de séance successives. «Il n'y a pas eu de dialogue et d'écoute [sur] les lignes rouges [du texte]», avait déploré Philippe Latombe (MoDem). Durant ces débats, «la majorité a volé en éclats», a quant à lui tonné le député UDI Pascal Brindeau, qui a estimé que «quand on méprise le Parlement, même les parlementaires les plus bienveillants commencent à se rebiffer».

Des négociations ont donc eu lieu dans la soirée du 11 mai pour «trouver un accord» et «régler ce problème», comme l'avait annoncé le Premier ministre sur France 2. Sous la pression des députés centristes, le gouvernement a accepté d'écourter la période de transition pendant laquelle des restrictions de libertés restent à sa disposition face à la pandémie. Cette période s'étendra du 2 juin à fin septembre, et non fin octobre comme prévu initialement. Outre la période de transition jusqu'à fin septembre, le projet de loi permet au Premier ministre de continuer à prendre des mesures de couvre-feu jusqu'au 30 juin inclus, entre 21h et 06h heures maximum. Les députés ont par ailleurs rétabli sur une durée plus longue la possibilité de confinements locaux et un état d'urgence territorialisé durant l'été, en cas de flambée épidémique, entre le 10 juillet et le 31 août.