France

Les noms de professeurs accusés d'islamophobie collés sur les murs de Sciences Po Grenoble

Les noms de deux professeurs de l'IEP de Grenoble accusés d'islamophobie par certains étudiants ont été affichés en grosses lettres à l'entrée de l'établissement. L'un des enseignants affirme craindre pour sa sécurité.

Le 4 mars 2021, des collages réalisés à côté de l'entrée principale de l'Institut d'études politiques de Grenoble ont révélé les noms de deux professeurs appelés à la démission par certaines associations étudiantes en raison de leur supposée «islamophobie». Les termes «Des fascistes dans nos amphis» et «L'islamophobie tue» étaient adjoints à ces noms, de même que le dessin du visage de l'un de ces enseignants. Ces affichages ont été retirés dans l'après-midi, comme le rapporte Le Figaro.

Des images de ce «collage», qui s'inscrivait dans une action plus large visant à dénoncer les «agressions sexistes et sexuelles» à Sciences Po Grenoble, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Comme le relève Marianne, l'organisation étudiante Unef Grenoble avait publié les noms des professeurs dans un tweet, avant de supprimer celui-ci.

«Ma personne leur est tellement insupportable qu'ils sont prêts à mettre ma vie en danger»

Le premier professeur visé par ce collage, Vincent T., est maître de conférences en sciences politiques à l'IEP de Grenoble depuis plusieurs années et est en charge d'un cours intitulé «L'islam et les musulmans en France», comme le rapporte Le FigaroLe 22 février dernier, l'Union syndicale Sciences Po Grenoble (USIEPG, association issue d'une scission avec l'Unef, dont des élus étudiants siègent au conseil d'administration de l'établissement) avait lancé un appel à témoignages visant à recueillir auprès d'étudiants les «propos problématiques» qu'ils auraient pu entendre dans la bouche de Vincent T. «Etant donné les problèmes d'islamophobie de certains professeurs de l'IEP, l'Union syndicale souhaite retirer ce [cours] si lors de [celui-ci] des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifiques», précisait l'association.

Vincent T. aurait adressé un courrier aux élèves dans lequel il appelait les membres de l'USIEPG à «quitter immédiatement» ses cours, s'inquiétant du fait que «[sa] personne leur est tellement insupportable qu'ils sont prêts à mettre [sa] vie en danger», quatre mois après l'assassinat de Samuel Paty et alors qu'un professeur se disant menacé après avoir dénoncé l'islamisme à Trappes a reçu l'assurance d'une protection policière renforcée de la part du ministre de l'Intérieur. L'USIEPG a indiqué avoir porté plainte à la suite de ce courrier, comme le rappelle Le FigaroLe quotidien a également recueilli le témoignage de l'avocat de Vincent T., Me Eric Le Gulludec : «Par les temps qui courent, se faire traiter d'islamophobe n'est pas rassurant. Dans le cas de Vincent T., c'est même diffamatoire puisqu'on lui prête une attitude ou des propos discriminatoires qu'il n'a jamais eus», a-t-il déclaré.

Une remise en cause du concept d'«islamophobie»

Le second enseignant visé par les collages est un professeur d'allemand, Klaus K. Il lui est reproché d'avoir remis en cause le concept d' «islamophobie» lors de la préparation de la Semaine de l'égalité et contre les discriminations organisée à Sciences Po Grenoble. 

«Je refuse catégoriquement de laisser suggérer que la persécution (imaginaire) des extrémistes musulmans (et autres musulmans égarés) d'aujourd'hui ait vraiment sa place à côté de l'antisémitisme millénaire et quasi universel ou du racisme dont notre propre civilisation occidentale (tout comme la civilisation musulmane d'ailleurs) est passée championne du monde au fil des siècles», avait écrit Klaus K. dans un échange de messages en ligne avec les membres d'un groupe de travail, comme le note Marianne. L'hebdomadaire rapporte également que Klaus K. aurait soutenu des messages de Vincent T. alertant eux aussi sur l'usage dangereux du terme «islamophobie», qui permettrait selon lui de remettre en question la laïcité française ou le droit au blasphème. L'Union syndicale Sciences Po Grenoble avait relayé le 8 janvier ces messages sur sa page Facebook, tout en demandant à la direction de l'IEP de «réagir».

Une contestation de l'emploi du terme «islamophobie» qui a valu à Klaus K. des accusations de «harcèlement moral», sur la base de ces échanges d'emails. «On a tronqué mes propos et on m'a adressé des reproches diffamatoires», a expliqué le professeur d'allemand au Figaro.

La direction de l'IEP de Grenoble a qualifié les «attaques» que constituent les collages contre ces enseignants d'«abjectes» et d'«inacceptables». «Sciences Po Grenoble les condamne dans les termes les plus fermes» a-t-elle déclaré au Figaro, sans toutefois préciser si elle entendait porter plainte contre les auteurs de ces affichages.