Pour la première fois en France, une action de groupe a été lancée ce 27 janvier 2021 contre l'Etat par un collectif d'organisations non-gouvernementales (ONG) qui met en demeure le gouvernement de mettre fin aux supposés contrôles d'identité discriminatoires par les forces de sécurité, sous peine de saisir la justice.
Cette procédure, prévue par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle votée en 2016, intervient après une succession d'affaires mêlant violences et accusations de racisme au sein de la police nationale.
Elle coïncide également avec le lancement du Beauvau de la sécurité, grande concertation nationale sur la police annoncée par Emmanuel Macron quelques jours après la très médiatique affaire Zecler. A l'époque, le président de la République avait assuré au média en ligne Brut : «Aujourd'hui quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé [...] On est identifié comme un facteur de problème et c'est insoutenable.»
La mise en demeure portée par l'avocat Antoine Lyon-Caen vise précisément le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Elle leur laisse un délai de quatre mois pour répondre aux demandes des six ONG, dont Amnesty international France et Human rights watch.
Un syndicat policier réfute l'accusation des ONG
Celles-ci réclament notamment une modification du code de procédure pénale pour «interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité», la «création d'un mécanisme de plainte efficace et indépendant» ou encore «la mise à disposition de toute personne contrôlée d’une preuve de contrôle», sur le modèle du récépissé dont la proposition à l'époque de la présidence de François Hollande avait terminé aux oubliettes et émergé sur le port du RIO par les agents.
Si, à l'issue de la mise en demeure, les associations estiment ne pas avoir obtenu satisfaction, elles peuvent saisir la justice et les juges peuvent «ordonner au gouvernement des mesures pratiques pour que cesse cette discrimination», explique l'avocat Antoine Lyon-Caen auprès de l'AFP.
En janvier 2017, un rapport du Défenseur des droits avait conclu qu'un «homme perçu comme noir ou arabe [...] a une probabilité 20 fois plus élevée» d'être contrôlé que l'ensemble du reste de la population.
Après les déclarations polémiques d'Emmanuel Macron à Brut, certains syndicats majoritaires de police avaient appelé à cesser les contrôles et expliqué qu'ils ne choisissaient pas leur délinquance.
Réagissant à cette nouvelle initiative des ONG, le syndicat Alternative-police a publié le message suivant sur Twitter ce 27 janvier : «Alternative réaffirme que le contrôle "au faciès" comme les violences ou le racisme, ne sont pas systémiques dans la police. Le contrôle d’identité est encadré, contrôlé et très souvent ordonné par le procureur de la République, donc par la justice, prévu par le code de procédure pénale. Il est réalisé sur la base de faits et de signalements de personnes et permet aux policiers de conduire des actions ciblées objectives et impartiales visant à lutter contre la délinquance et la criminalité dans certains lieux, secteurs, quartiers ou communes.»