Deux ans après le décès de Zineb Redouane, octogénaire touchée par une grenade lacrymogène en marge d’une manifestation de Gilets jaunes dans la cité phocéenne, une contre-expertise indépendante valide la thèse d’un tir tendu, contrairement aux premières conclusions de l’enquête.
Publiée le 30 novembre 2020 au soir, cette contre-enquête a été menée par le média d'investigation en ligne Disclose et le groupe de recherche Forensic Architecture, basé à Londres.
l'impact a eu lieu à une vitesse de 97,2 Km/h
Début décembre 2018, alors que la manifestation de l'acte 3 des Gilets jaunes dégénère à Marseille, Zineb Redouane, une Algérienne âgée de 80 ans, est atteinte au visage par des éclats de grenade lacrymogène dans son appartement, situé au 4e étage. Grièvement blessée, elle succombe le lendemain à l'hôpital lors de son anesthésie. Sa mort suscite un vif émoi dans l'opinion publique.
Après plusieurs rebondissements, l'affaire est dépaysée à Lyon en août 2019 suite à des soupçons de collusion entre le parquet de Marseille et les policiers mis en cause.
Depuis la position des CRS au moment du tir, la présence de plusieurs immeubles en vis-à-vis direct aurait dû constituer, à tout le moins, une alerte rouge
L'analyse conduite par Disclose, basée sur le rapport balistique, des images de vidéosurveillance et une modélisation 3D détaillée «contredit le rapport d'expertise» officiel qui concluait que le lance-grenade à l'origine du tir avait été «utilisé selon les préconisations et les procédures d'emploi en vigueur dans la police nationale» et mettait hors de cause les CRS.
L'un des avocats de la famille était persuadé qu'il s'agissait d'un tir tendu, strictement interdit face à un immeuble d'habitation. Une certitude que vient appuyer la contre-enquête de Disclose et Forensic Architecture qui établit que «depuis la position des CRS au moment du tir, la présence de plusieurs immeubles en vis-à-vis direct aurait dû constituer, à tout le moins, une alerte rouge». Et ce, d’autant que la munition utilisée, une grenade de type MP7, «est normalement prévue pour atteindre une cible située à 100 mètres».
L'expertise balistique précise que l'impact a eu lieu dans la phase encore montante de la trajectoire, à une vitesse de 97,2 Km/h
L'analyse image par image de Disclose et Forensic Architecture permet, selon eux, d'identifier la trajectoire du tir en direction de l'immeuble de la victime ainsi que la position du tireur. Le projectile a, d'après la contre-enquête, atteint la partie supérieure du corps de Zineb Redouane «au bout de 37 mètres». «L'expertise balistique précise que l'impact a eu lieu dans la phase encore montante de la trajectoire, à une vitesse de 97,2 Km/h», ajoute la contre-expertise.
Devant tous ces éléments, Disclose conclut que la modélisation 3D de l'environnement «démontre l'existence d'un danger au moment du tir et les responsabilités du tireur et du superviseur sont clairement engagés». Un magistrat lyonnais, rappelle Disclose, doit encore se prononcer sur la conformité du tir et la responsabilité des CRS dans la mort de Zineb Redouane. Les avocats de la famille espèrent que le juge réclamera une nouvelle expertise.
Zineb Redouane est décédée le 22 décembre 2018 à 22h20 à l’hôpital de la Conception à Marseille.