France

La police municipale parisienne arrive : pas d'armes létales, mais des bâtons et de la diversité

La proposition de loi de sécurité globale LREM ne sera débattue qu'à partir du 17 novembre en hémicycle mais après un passage par la commission des Lois, elle consolide déjà le destin de la police municipale à Paris... Sans armes létales.

La ville de Paris tient enfin un accord de principe pour lancer sa police municipale. Anne Hidalgo, marquée par les attentats de Paris en 2015 puis confrontée à de mauvaises statistiques sécuritaires à la fin de son premier mandat de maire de la capitale s'est finalement rangée à l'idée d'une police municipale parisienne après y avoir toujours été opposée.

Une création qui nécessite un changement de la loi, car Paris est la seule ville de France où le préfet détient le pouvoir de police général quand dans le reste du pays il dépend des maires. La première tentative pour créer une police municipale à Paris en novembre 2019 n'avait pas abouti. L'Assemblée avait alors préparé un texte en concertation avec le ministère de l'Intérieur et la ville qui avait abouti à un projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Mais un amendement déposé par le groupe socialiste avait été âprement discuté dans l'hémicycle et n'avait pas débouché sur un soutien de la majorité. La Mairie de Paris avait alors reproché au gouvernement d'avoir «pris part à une manœuvre politicienne absolument inadmissible » pour soutenir Benjamin Griveaux, son candidat pour la course électorale parisienne.

Cette fois, la proposition de loi Fauvergue-Thourot sur la sécurité globale dédie un titre entier à la création de cette entité de police à Paris. Le projet déposé en octobre et déjà présenté en commission des Lois sera débattu à partir du 17 novembre en hémicycle. Le signal est clair : la police municipale de Paris est sur des rails pour se mettre en place dès l'année 2021.

Des affichettes collées sur les vitres latérales des voitures de la sécurité parisienne annonçaient déjà avec optimisme l'embauche de policiers municipaux depuis plusieurs semaines et le délégué à la sécurité de la ville de Paris, Nicolas Nordman, était déjà bardé du long titre de «chargé de la prévention, de la sécurité, de la police municipale et de l'aide aux victimes». Ce n'était plus qu'une formalité, en somme.

Le même adjoint à la sécurité claironne à présent auprès de l'AFP : « Nous avons obtenu la possibilité de former nous-mêmes nos agents» et annonce la création prochaine d'une école de police municipale à Paris. Objectif affiché : 5 000 agents pour un contingent actuel de 3 200 personnes au sein de la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection.

Nicolas Nordman complète ensuite : « Cette police sera à l'image des Parisiens » et explique qu'elle respectera une parité hommes, femmes ainsi qu'une représentativité des « origines sociales » pour lutter principalement contre les incivilités, les dépôts d'ordure sauvages, les trottinettes sur les trottoirs ou encore les nuisances sonores.

Aucune précision n'a en revanche été apportée sur la façon de choisir les infractions auxquelles les policiers municipaux seront confrontés, notamment après les attaques de Nice (octobre 2020), Conflans-Sainte-Honorine (octobre 2020), Colombes (avril 2020), Montrouge (janvier 2015) qui ont vu des policiers municipaux en première ligne.

« Ce n'est pas mon modèle, la police municipale niçoise», explique Anne Hidalgo

En revanche, pour ce qui est de l'armement, la dotation maximale souhaitée par la mairie de Paris se limitera au bâton souple de défense et à la bombe de gaz lacrymogène. Pour compléter l'arsenal défensif : un gilet pare-balles et une caméra-piéton.

Explication d'Anne Hidalgo au micro de Jean-Jacques Bourdin le 5 novembre : « Ce n'est pas mon modèle, la police municipale niçoise.» Nice est particulièrement connue pour faire figure de ville pilote en la matière et a doté sa police municipale d'armes létales sous l'égide de son maire, Christian Estrosi. La maire de Paris, elle, assure que sa police municipale «doit jouer un rôle pacificateur». Et de décrire un rôle de police îlotière, de proximité : «C'est une police qui connaîtra les commerçants, les acteurs du quartier, qui pourra intervenir pour pacifier. Et la police nationale gardera son rôle dans tout ce qui est lutte contre le grand banditisme, le terrorisme, les trafics de stupéfiants.»

Pour mémoire, selon le président du syndicat national des policiers municipaux Yves Bergerat, interrogé par RT France le 22 octobre, près de 60% de ses confrères français sont équipés d'une arme létale et selon un rapport de la Cour des Comptes, 81% des policiers municipaux étaient armés de façon sublétale en 2018 (bâton souple de défense, pistolet à impulsion électrique, gazeuse etc.).

A ce sujet, Yves Bergerat déplorait : «Je n'arrive pas à comprendre qu'il y ait encore des maires qui pensent que la police municipale ne doit pas être armée, ils ne vivent pas dans le même monde que nous, on dirait. La tenue implique qu'il faut défendre les citoyens sur la voie publique, mais nous ne pouvons même pas nous défendre nous-mêmes si nous ne sommes pas armés. Nous encourrons les mêmes risques que les autres forces de sécurité et nous sommes très souvent primo-intervenants.» Une question qui animera probablement encore bien des débats au Conseil de Paris.

Antoine Boitel