A qui sont destinés les messages subliminaux envoyés par l'ancien Premier ministre Manuel Valls ? Alors qu'Emmanuel Macron et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ont lancé les consultations avec les responsables musulmans en vue d'un projet de loi contre les séparatismes, l'ancien Premier ministre a accordé un long entretien au JDD paru le 19 septembre dans lequel il détaille sa vision de la République et de la laïcité. «Face au péril islamique», Manuel Valls se dit profondément inquiet concernant «l'ensauvagement» et la «décivilisation» de la France, et appelle à «reprendre en main les territoires perdus de la République».
Pour l'ancien Premier ministre, «quand il est question de défendre la République et la laïcité, les notions de droite et de gauche ne veulent pas dire grand-chose». Il prône désormais un rassemblement de «ceux qui, au fond, ont la même idée de la République». «Si le chef de l’État s’engage dans ce combat, en agissant clairement, il faut le soutenir avec exigence».
L'ancien Premier ministre salue le nouveau «discours avec des accents républicains» d'un président de la République loin de son «discours libéral-libertaire» des années Hollande.
Quant à un éventuel come-back aux affaires en France, l'ancien espoir socialiste devient très évasif à l'évocation d'un hypothétique retour au gouvernement. Manuel Valls, qui se dit aujourd'hui «libre», ne semble pas fermer la porte à l'idée de revenir dans la vie politique française : «Je veux donc que mon expérience et mes convictions servent», lâche-t-il en fin d'entretien.
Si l'ancien chef du gouvernement a su conserver un poids médiatique, ce dernier enchaîne les déboires politiques en France (et en Espagne) depuis son départ du gouvernement. Son éviction au second tour de la primaire de la gauche pour la présidentielle face à Benoit Hamon avec 41,31 % des suffrages a sonné le glas de ses ambitions présidentielles. Depuis, l’ancien maire d’Evry a multiplié les appels du pied au président de la République, sans grand succès.
Chronologie d'une traversée du désert
Signe des appels du pied multipliés par Manuel Valls, l'ancien Premier ministre s'auto-attribuait par exemple le 13 septembre, dans un entretien sur BFM TV, un «coup de génie» en ayant fait rentrer au gouvernement celui qui allait devenir président de la République, une manière de rappeler son rôle dans l'ascension de l'actuel chef de l'Etat.
Les deux hommes étaient pourtant sous la présidence de François Hollande de farouches adversaires aux ambitions très semblables. Alors Premier ministre, Manuel Valls n'avait cessé de fustiger l'individualisme de l'actuel président de la République. Emmanuel Macron et Manuel Valls étaient alors deux candidats assumés à l'élection présidentielle. La démission de Manuel Valls du poste de Premier ministre à la fin de l'année 2016 pour participer aux primaires de la gauche symbolisait le passage au temps électoral. Les deux hommes occupaient le même créneau politique, possédaient la même idéologie et lorgnaient sur le même électorat, ce qui supposait qu'il ne pouvait y avoir qu'une seule candidature sur cet axe.
C'est après sa défaite aux primaires de la gauche que Manuel Valls a une fois de plus changé son fusil d'épaule, passant d'adversaire au statut d'allié embarrassant d'Emmanuel Macron. Un candidat déchu, fustigé par son ancien parti après son refus de soutenir le candidat Benoit Hamon, et déjà ignoré à l'aube de l'élection présidentielle de 2017 par le candidat d'En Marche. Manuel Valls paraissait bien loin du «nouveau monde» loué par Emmanuel Macron ; ses résultats aux primaires en faisaient la victime première du «dégagisme» ambiant après l'impopulaire quinquennat de François Hollande.
Après avoir appelé à voter dès le premiertour de la présidentielle pour le candidat d’En Marche, Manuel Valls s'était estimé prêt à travailler avec François Fillon dans l'hypothèse de la victoire de ce dernier pour «trouver des compromis avec la droite parlementaire». Très impopulaire, raillé, Manuel Valls fut difficilement élu député mais se décida à jouer un rôle central dans la majorité parlementaire, là aussi sans succès. Acculé, l'ancien Premier ministre choisissait alors l'exil sur sa terre natale, la Catalogne. Candidat à la mairie de Barcelone, Manuel Valls terminera à une décevante quatrièmeplace avec 13,2 % des voix le 26 mai 2019 avant de se faire exclure du parti Ciudadanos qui l'avait investi. Et si l'ancien socialiste semble frappé du sceau de la débâcle, ce dernier ne désespère pas pour autant.
Tout le monde s'en fout
En avril, durant la pandémie du Covid-19, la rumeur s'est répandue comme une traînée de poudre. L'ancien Premier ministre, soutenu par l'ancien président du groupe En Marche Gilles Legendre, tenait la corde pour intégrer un gouvernement d'union nationale face à la crise. Ira, ira pas ? L'ancien locataire de Matignon joue la carte de la modestie et réfute une proposition qui n'avait jamais été explicitement énoncée par Emmanuel Macron : «On est en pleine guerre contre le virus, la pandémie est là, on n'en est pas sortis, on n'est pas sortis du confinement et les uns et les autres on se pousserait du col en disant "et moi et moi" ? Ça ne fait aucun sens», avait-il déclaré sur RMC. Une analyse entièrement partagée par un poids lourd de la majorité cité par BFM TV sous couvert d'anonymat : «Tout le monde s'en fout», selon l'expression utilisée par ce dernier. Persona non grata, «il est aujourd'hui peu probable de revoir Manuel Valls aux affaires», «sa notoriété est en berne», confie une source parlementaire contactée par RT France. Alors que l'ancien Premier ministre semble encore avoir la cote du côté des grands médias, sa stratégie pour revenir au pouvoir semble pour le moment peu prometteuse. Une situation vouée à avoir raison des ambitions de Manuel Valls ?
Charles Demange