Invité du Grand entretien de Sébastien Demorand et Léa Salamé sur France Inter ce 25 mai, l'ancien président français François Hollande s'est exprimé pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire. Durant cette longue interview, il a fait son mea culpa concernant la crise sanitaire en France... et a même évoqué quelques propositions à l'allure de programme politique.
«J'ai ma part de responsabilité aussi dans la situation de l'hôpital», a ainsi avoué l'ancien président français, en poste entre mai 2012 et mai 2017, au sujet de la crise sanitaire que traverse la France.
François Hollande, dont le mandat a pourtant été marqué par diverses privatisations, a longuement commenté les failles du système de santé et la nécessité de préserver les services publics. «Beaucoup s'interrogeaient sur l'Etat, sur le trop de services publics, le trop de fonctionnaires [...] Moi-même, pendant que j'étais président, on me parlait de "ras-le-bol fiscal", en me disant : "Pourquoi financer ces écoles, ces hôpitaux, ces services publics ?" Mais on a besoin de ces services publics !», a-t-il statué.
L'ancien chef d'Etat a blâmé le manque de contrôle des stocks de masques durant le mandat d'Emmanuel Macron, rappelant que les réserves étaient emplies sous son quinquennat. Mais il a tenu a reconnaître sa responsabilité partielle dans la crise actuelle des établissements de santé.
«Depuis des années, on a contraint l'hôpital et on a imposé... J'ai pris ma part donc je ne veux pas du tout m'exclure, car j'ai mis des moyens supplémentaires. On a mis une sur-administration, et c’est aussi ce que les personnels rejettent, notamment les médecins», a-t-il jugé, évoquant par exemple «le codage d'actes, la tarification, qui a obligés [les médecins] à passer plus de temps à remplir des papiers qu'à soigner».
L'ancien dirigeant a poursuivi : «Et puis il y a la question des rémunérations.» Alors qu'Olivier Véran, le ministre de la Santé a lancé en toute hâte ce 25 mai un «Ségur de la santé», pour investir et revaloriser les carrières à l'hôpital, François Hollande s'est placé en arbitre : «Il y a retard qui a été pris, un écart qu'il fallait rattraper.»
Depuis des années, on a contraint l'hôpital
L'ancien président s'est également opposé à une suggestion d'Olivier Véran qui souhaite assouplir les 35h à l'hôpital, s'indignant qu'on puisse décider que le personnel ne soit pas payé pour les heures supplémentaires qu'ils ont accepté de consacrer aux malades. «De grâce ne supprimons pas ce qui est aujourd'hui regardé comme un acquis social», a imploré François Hollande.
Il a ensuite rappelé qu'il avait, du temps de son mandat, créé 30 000 postes à l'hôpital et augmenté la masse salariale de 7%, mais a admis que ce n'était pas «suffisant». En effet à l'époque, bien avant l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, en 2016, et alors qu'il était en poste, les soignants défilaient déjà dans la rue. Ils exigeaient l'abandon du plan d'économies de 3,5 milliards d'euros sur trois ans, l'arrêt des fermetures de lits et des restructurations induites par les groupements hospitaliers de territoire (GHT) de la loi de modernisation de l'hôpital, qui avait suivi la loi Bachelot de 2009. Selon les syndicats, les réformes de ces 15 dernières années, comme l'instauration d'une tarification pour financer les hôpitaux «à l'acte», ont déstabilisé le personnel, qui reste la principale variable d'ajustement en période de rigueur budgétaire.
On a besoin de ces services publics !
Alors que l'épidémie semble ralentir en France, François Hollande a estimé qu'il valait mieux sanctionner le gouvernement par «le vote» plutôt que par d'autres démarches punitives. Serait-ce une manière de faire allusion aux présidentielles ? Car loin de ne s'en tenir qu'à un mea culpa a minima concernant l'hôpital, l'ancien président a proposé un plan «en cinq points» pour relancer la France lors de la crise probable de la rentrée, qui présente les caractéristiques d'un programme de campagne. Eviter les licenciements, soutenir les jeunes les entreprises, protéger le pouvoir d'achat et les «industries de la vie», rétablir l'ISF et taxer davantage la capital : voici ses recommandations pour gérer la sortie de l'épidémie, dès juillet.
François Hollande, le ban et l'arrière-ban du PS sur les rangs
La période post-confinement est propice aux contre-propositions politiques. Tout comme François Hollande, socialistes et ex du PS en profitent pour sortir du bois. 17 parlementaires, dans l'ensemble marcheurs, mais pour la plupart ex-socialistes, ont décidé le 19 mai de créer un neuvième groupe parlementaire baptisé Ecologie Démocratie Solidarité (EDS).
Et les anciens ténors du parti de gauche ne manquent pas de faire entendre leurs prises de positions. Ainsi l'ancienne candidate à la présidentielle Ségolène Royal s'est beaucoup manifestée sur les réseaux sociaux durant la crise du Covid-19, en soufflant le chaud et le froid vis à vis du gouvernement, tout à tour en le rabrouant ou en incitant à ne pas le critiquer.
L'ancienne ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, récemment devenue directrice de l'ONG One, s'attelle à la préparation du fameux «monde d'après», un «monde plus juste», en l'assortissant d'une pétition demandant à Emmanuel Macron de rallier un plan mondial de lutte contre le Covid. Mais ces sorties médiatiques régulières suffiront-elles à effacer le bilan très critiqué du quinquennat François Hollande, auxquels ils ont tous pris part ?