La courte allocution vidéo du président de la République à l'occasion de ce 1er Mai inédit, en plein confinement pour cause d'épidémie, n'a pas été du goût de la gauche française. S'il a rendu hommage aux travailleurs en première ligne dans la crise sanitaire actuelle, Emmanuel Macron a également eu, dans son discours, «une pensée pour les organisations syndicales», disant notamment espérer «retrouver dès que possible les 1er Mai joyeux, chamailleurs parfois, qui font notre Nation». Sans surprise, les termes «joyeux», et surtout «chamailleurs», ont déclenché de vives protestations, particulièrement chez les partis de gauche, contraints à des formes d'expression alternatives en cette journée internationale des travailleurs, chère à leur cause.
Pour le député la France insoumise (LFI) Alexis Corbière, ce message est «symptomatique de la condescendance réac' de ce président». Rappelant la définition du terme chamailleur qui revient à «se disputer pour des raisons futiles», le député rappelle que ce jour est avant tout «revendicatif». «Non, le 1er Mai ne célèbre pas le Travail (vision pétainiste de 1941) mais la lutte des travailleurs !», a encore fustigé le député insoumis.
Même avis du côté de sa collègue Danielle Simonnet, conseillère de Paris, qui recadre le choix des mots du président. «Le 1er Mai, ce n’est pas la fête du travail et des "chamailleurs" mais la journée internationale des travailleuses et travailleurs pour la réduction du temps de travail et les droits sociaux !», écrit-t-elle sur son compte Twitter.
Emmanuel Macron a pourtant bien employé la formule «journée internationale des travailleurs», et non pas «fête du Travail», comme l'avait nommée le Maréchal Pétain en 1941. Il a cependant parlé de «fêter» cette journée.
Selon Ian Brossat, maire adjoint communiste de Paris, le terme «chamailleurs» montre selon lui que «le naturel [du président] revient au galop». Une allusion aux nombreuses petites phrases jugées condescendantes ou arrogantes par l'opposition, dont Emmanuel Macron a le secret, telles que «les Gaulois réfractaires», «les fainéants», etc.
Même son de cloche pour Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste : «Le 1er Mai n’est pas un "rituel" de "chamailleurs", pas plus qu’il n’est une "célébration" du travail. Ça c’est une autre tradition... il est un hommage aux travailleurs, à leurs luttes pour des droits nouveaux et l’occasion de dire que tant reste à accomplir.»
Philippe Poutou, porte-parole du NPA, a également épinglé la légèreté du champ lexical présidentiel pour décrire le mobilisations du 1er Mai. «Macron rend hommage aux travailleurs et au 1er Mai heureux et chamailleurs. Que dire pour le consoler ? Qu’on n’attendra pas longtemps pour rendre aussi hommage aux dominants cyniques et pour nous chamailler encore dans la joie et... la colère», a écrit l'ouvrier syndicaliste.
Dans la même veine, beaucoup d'internautes ont rappelé au président de la République que les deux précédents 1er Mai avaient été marqués par des violences et des affrontements. En 2018, le 1er Mai avait été le jour du déclenchement de l’affaire Benalla, avec la révélation quelques jours plus tard d'une vidéo, filmée par le journaliste-militant Taha Bouhafs, dans laquelle on voyait le garde du corps du président grimé en policier s’en prendre physiquement à des manifestants place de la Contrescarpe à Paris.
Quant au 1er Mai 2019, il a été marqué par une forte répression policière. «Souvenir d’un 1er Mai "joyeux" et "chamailleur" comme dirait Emmanuel Macron», tacle la sénatrice écologiste Esther Benbassa sur Twitter, en publiant une vidéo du défilé de l'année dernière où on peut voir les manifestants, parmi lesquels de nombreux Gilets jaunes, circuler au milieu d'un nuage de gaz lacrymogènes.