Le 11 mai 2020 est la date qui doit marquer la fin de quelque deux mois de confinement. Pourtant, le coronavirus sera toujours présent, même si l’épidémie ralentit lentement depuis une dizaine de jours. Sans traitement ni vaccin, comment autoriser les 67 millions de Français à sortir de chez eux sans provoquer une accélération de la pandémie ?
Les autorités assurent pour l’instant qu’elles adopteront une stratégie progressive, en tenant compte des situations selon les territoires, même si le déconfinement ne s'effectuera pas région par région. «Il n'y aura pas de déconfinement régionalisé : la situation n'est pas homogène région par région […] Ce qui n'empêche pas des adaptations locales et territoriales», a ainsi fait savoir l'Elysée. Une position similaire à celle de l'Académie de médecine qui recommande de prendre en compte le nombre de personnes hospitalisées, en particulier celles en réanimation, pour adapter les mesures de déconfinement.
Vu la vigueur de l’épidémie, l’extrême densité de la ville et l’ampleur des problèmes à résoudre, c’est à Paris que le déconfinement sera le plus compliqué
La situation sera particulièrement difficile à gérer dans les régions les plus touchées par l'épidémie, à commencer par l'Ile-de-France et le Grand Est. A Paris, plusieurs élus ont déjà alerté sur les risques du déconfinement alors que l'édile de la capitale, Anne Hidalgo, assure vouloir tester massivement la population et distribuer gratuitement plus de 2 millions de masques réutilisables. «Vu la vigueur de l’épidémie, l’extrême densité de la ville et l’ampleur des problèmes à résoudre, c’est à Paris que le déconfinement sera le plus compliqué. On peut y arriver avec beaucoup d’organisation et de volontarisme, mais c’est risqué», s'inquiète le maire (LR) du 15e arrondissement, Philippe Goujon, cité dans le journal Le Monde.
En revanche, certaines grandes régions, comme Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, comptent des départements plutôt épargnés (moins de cinq patients en réanimation pour 100 000 habitants au 22 avril selon Santé Publique France) qui devraient bénéficier d'un déconfinement rapide.
Des mesures indispensables pour éviter une seconde vague
Toutes ces précautions ont pour objectif d'éviter une seconde vague massive de contamination, qui sera inéluctable si des mesures ne sont pas maintenues, voire renforcées selon une étude réalisée conjointement par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique et Médecine Sorbonne Université.
De son côté, l'Institut Pasteur assure que près de 6% de la population française aura été contaminée par le Covid-19 à l'horizon du 11 mai. Or, Simon Cauchemez, l’auteur principal de l’étude citée par The Times, explique que pour éviter la seconde vague, le «niveau d’immunité nécessaire de la population est estimé à 70%». «Nous sommes bien en dessous de ce chiffre actuellement», assure-t-il.
Une autre inconnue s'ajoute à cette équation : la durée de la période pendant laquelle cette immunité individuelle et collective va perdurer. Pour le moment, les scientifiques ne disposent pas de données suffisantes pour afficher des certitudes.
Une augmentation importante des dépistages et un retour facultatif dans les établissements scolaires
Alors que le virus semble parti pour s’installer dans le temps, le déconfinement doit donc s'établir sur la base d'un dépistage le plus large possible, selon les scientifiques. Ainsi, le gouvernement souhaite prioritairement tester en grand nombre les personnes potentiellement infectées par le Covid-19.
Pour le moment, le dépistage sera réservé aux soignants, aux personnes présentant des symptômes, aux résidents des maisons de retraite et aux foyers de migrants. Le pays devrait pouvoir effectuer 500 000 tests par semaine d’ici au 11 mai contre 150 000 actuellement.
Une autre inconnue concerne le port du masque, alors que la France en a manqué. Le gouvernement assure que la production française et les importations vont s'accroître rapidement, pour dépasser 25 millions de masques lavables par semaine fin avril, selon la secrétaire d'Etat Agnès Pannier-Runacher.
Concernant le retour des élèves dans les établissements scolaires, l’exécutif doit encore apporter des précisions, mais il n'y aura pas «d'obligation de retour à l'école» et le «principe de volontariat» sera mis en place, selon l'Elysée.
Dans le Grand Est, la réouverture des écoles pourrait notamment ne pas être effective dès le 11 mai, comme l'a expliqué sur France Bleu le président de la Commission des affaires culturelles, le député bas-rhinois Bruno Studer : «Est-ce que dans le Grand Est, la situation fait qu'il faudra attendre un petit peu ? Ce n'est pas impossible. Il n'y aura pas de priorité à l'économie faite sur les questions sanitaires.»
Enfin, le gouvernement devrait se prononcer pour le maintien dans un premier temps de la limitation des déplacements interrégionaux pour préserver les régions les moins touchées par l'épidémie.
La France devra retarder la date du déconfinement si les tests de dépistage ne sont pas en nombre suffisant
Confronté à ces nombreuses inconnues, le conseil scientifique, sur lequel s’appuie le gouvernement, se montre très vigilant, particulièrement concernant la capacité à tester massivement les personnes susceptibles d’être contaminées. Jean-François Delfraissy, président du conseil, a déjà prévenu: «La France devra retarder la date du déconfinement si les tests de dépistage ne sont pas en nombre suffisant.»
Le gouvernement entend peaufiner son plan durant ce week-end et devrait le dévoiler la semaine prochaine.