France

«Mise en danger de la vie d'autrui»: le syndicat VIGI attaque Philippe, Castaner et Nunez à la CJR

Le syndicat de police VIGI-MI porte plainte contre Edouard Philippe, Christophe Castaner et Laurent Nunez pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui mais également contre les responsables de la réquisition des moyens de protection.

Dans le contexte des tensions entre les organisations syndicales de police et le ministère de l'Intérieur en raison du manque de protection des fonctionnaires face au Covid-19, le syndicat de police VIGI-MI a décidé d'aller plus loin que les autres partenaires sociaux du secteur en initiant trois actions en justice.

Le syndicat policier a formulé une demande de référé auprès du Conseil d'Etat pour permettre aux fonctionnaires de police de reconditionner et réutiliser des masques usagés.

Le partenaire social a également déposé une plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) à l'encontre du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat à l'Intérieur pour «mise en danger délibérée de la vie d'autrui» et «entrave aux mesures d'assistance».

Enfin, le syndicat a annoncé à RT France son intention de poursuivre la haute hiérarchie policière qui a organisé la réquisition des masques FFP2 qui étaient encore disponibles en police nationale, à destination des agences régionales de santé. 

Contacté par RT France, le secrétaire général de VIGI, Alexandre Langlois a détaillé : «Nous avons écrit au ministre de l'Intérieur pour dénoncer la situation sur le terrain et la mise en danger de la vie de nos collègues envoyés réaliser des contrôles confinement sans l'équipement approprié. Le ministère a choisi de ne pas nous répondre. Alors notre syndicat, en tant que personne morale, a décidé de porter plainte contre le Premier ministre Edouard Philippe, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Laurent Nunez.»

Alexandre Langlois va plus loin : «Entre temps, le bureau de communication de la police a même fait savoir aux éditions juridiques Dalloz que si le droit de retrait devait être utilisé par nos collègues de terrain, le conflit serait tranché devant le tribunal administratif. Or, la plupart des stocks de masques de protection qui restaient aux policiers ont été réquisitionnés pour les agences régionales de santé.»

Christophe Castaner avait tenu un langage similaire le 19 mars lors d'une interview accordée à Europe 1 et avait assuré que les fonctionnaires n'étaient «pas en risque» en les comparant au personnel soignant. Il avait par la suite précisé que le droit de retrait ne s'appliquait pas, selon lui.

Le secrétaire général de VIGI pointe là un contresens : «Le ministre nous explique que nos missions sont dangereuses par essence et que nous ne pouvons donc pas faire usage du droit de retrait. C'est vrai, nos missions sont dangereuses : si un fonctionnaire intervient sur une opération contre-terroriste, il prend des risques et ne peut faire usage du droit de retrait... Sauf si on lui demande d'y aller sans arme par exemple ! La situation actuelle est équivalente : on demande aux policiers de faire leur travail sans protection contre cet ennemi invisible qu'est le virus. Notre arme, c'est le masque, dans le cas présent !»

Nous voulons voir les responsables en prison

Et Alexandre Langlois qui a aussi lutté, dans un passé récent, pour faire reconnaître la dangerosité de l'exposition répétée pour les policiers au gaz lacrymogène CS lors des manifestations de Gilets jaunes, ne manque pas d'ironie : «Emmanuel Macron a récemment prévenu que les personnes qui présentaient des faiblesses pulmonaires devraient rester chez elle... Il se trouve que tous les policiers qui ont participé pendant de longs mois aux opérations de maintien de l'ordre face aux Gilets jaunes sont concernés dans ce cas parce qu'ils ont respiré des doses massives de CS, alors ils devraient rester chez eux. Ils font partie des populations à risque en relation avec cette pandémie de Covid-19.»

On demande aux policiers de faire leur travail sans protection contre cet ennemi invisible qu'est le virus. Notre arme, c'est le masque à présent !

Le syndicaliste espère que son organisation obtiendra gain de cause, mais il n'en est pas certain : «La Cour de justice de la République, qu'Hollande et Macron ont dit vouloir supprimer d'ailleurs, n'a guère condamné... Dans l'affaire du sang contaminé, elle a reconnu le ministre responsable mais pas coupable et dans l'affaire Tapie, elle a condamné la ministre, mais sans sanction... Condamnée à rien, en fait. Le seul espoir pour que la justice aille jusqu'au bout, c'est que, les plaintes s'accumulant, entre les soignants, les votants, les assesseurs et le personnel de justice, la Cour se voie obligée de condamner. Nous voulons voir les responsables en prison, mais à défaut, il faudra au moins un fonds d'indemnisation conséquent.»

Un référé pour reconditionner les masques... et une autre plainte

Mais le syndicat de police VIGI-MI ne s'est pas arrêté en si bon chemin... «Nous avons également déposé un référé devant le Conseil d'Etat pour nos collègues. Il est urgent que l'administration cesse de détruire les masques périmés ou usagés. Un protocole déjà en place aux Etats-Unis permet de reconditionner les masques après les avoir nettoyés. Nous souhaitons que ces masques soient réutilisés de la même manière que nos confrères américains. Ces protocoles peuvent sauver des vies ! C'est prouvé scientifiquement, ça marche !»

Dernier lapin tiré du chapeau d'Alexandre Langlois : «Une troisième plainte arrive dans les jours qui viennent. Nous voulons aussi que tombent tous les donneurs d'ordre qui ont interdit à nos collègues de porter les masques qu'ils avaient à disposition et qui ont ensuite tout fait pour les réquisitionner sur ordre de la direction générale. Ces ordres étaient illégaux puisqu'ils mettaient la vie des fonctionnaires en danger, ce qui est contraire à l'objectif du personnel d'encadrement, en réalité, cela figure dans le code ! Ces consignes étaient contraire à la préservation de la santé et de la vie des policiers, ils ont dérogé à leurs obligations et doivent être dénoncés. Je ne parle pas des officiers qui prenaient les mêmes risques que leurs confrères, par exemple en CRS, et réalisaient des contrôles sur le terrain avec eux sans aucune protection, mais bien de cette hiérarchie qui exige depuis un bureau sans prendre aucun risque. Ceux-là prennent les grosse paies et les primes, mais pas les responsabilités ! Ils auraient pu refuser pour l'intégrité physique des collègues et dire : "On garde les masques"... Ils ne l'ont pas fait. »

Antoine Boitel