France

Le procureur de Paris admet que les policiers devraient être «mieux protégés»

La pénurie de masques provoque la colère des syndicats et collectifs de police depuis plusieurs semaines et le procureur de la République de Paris Rémy Heitz admet un manque de protection des policiers, mais assure qu'un approvisionnement est prévu.

Interrogé ce 31 mars au micro de France info, le procureur de la République de Paris Rémy Heitz a déclaré que les policiers devraient être «mieux protégés» et porter des masques lors des contrôles liés au confinement, avant d'affirmer qu'un approvisionnement en masques était «d'ailleurs prévu, fort heureusement».

Le 26 mars, l'entourage du ministre de l'Intérieur avait effectivement fait savoir à l'AFP qu'une commande d'un million de masques avait été effectuée, à destination des forces de l'ordre. Cependant, selon un comte-rendu de visioconférence à Beauvau entre des syndicats de police et la direction générale de la police nationale auquel RT France a eu accès, «aucune commande» n'était en cours au sein de l'institution police : «A ce jour aucune commande du ministère de l'Intérieur n’a été passée, mais seulement des expressions de besoin [...]. Il n'y a pas d’échéance ni de date de livraison mais le DGPN reste optimiste», selon cette note syndicale.

Le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a-t-il eu raison de rester optimiste ? C'est visiblement l'avis du procureur de la République.

La déclaration de Rémy Heitz ne fait cependant pas mention du type de masques dont seront pourvues les forces de l'ordre : chirurgical ? FFP2 ? Quelle provenance ? Mystère.

Les membres des forces de l'ordre ont dû s'adapter au manque d'équipements de protection individuelle pour réaliser quelque 303 000 contrôles de confinement rien qu'à Paris, selon les chiffres de l'AFP.

Je pense que les policiers devraient être mieux protégés, ils devraient porter des masques

Après avoir commencé à équiper elle-même les soignants et les forces de l'ordre sur ses propres deniers, l'association Uniformes en danger a par exemple lancé une cagnotte d'appel aux dons pour aider à équiper les personnels de secours, les soignants et les forces de l'ordre de façon plus appropriée, ainsi qu'on peut le lire sur le compte Facebook de l'organisation : 

«A la suite de la distribution de masques, la demande est à nouveau importante. L'association a pris à sa charge la commande de 90 masques mais ce n'est pas assez. Je vais demander votre aide financière à hauteur de 2€ c'est le prix d'un masque tissu lavable à 60°, pour repasser des commandes. Comme vous voyez c'est pas énorme mais tellement important pour les forces de l'ordre, le personnel hospitalier, les infirmières libérales...»

En tout état de cause, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner semble avoir pris la mesure du malaise au sein des forces de l'ordre concernant le manque de masques, car il s'est fendu d'un courrier à tous les pompiers, policiers et gendarmes dépendant de son ministère le 28 mars auquel RT France a eu accès.

Dans cette lettre aux personnels de Beauvau, après avoir assuré «nous avons besoin de vous, de votre engagement», le ministre de tutelle a souligné la nécessité de «respecter scrupuleusement les gestes barrières», car, selon Christophe Castaner, «ils sont le meilleur rempart contre le virus».

Selon l'analyse du journaliste du Point Aziz Zemouri, l'allusion du ministre aux gestes barrières sous-entendrait que le «meilleur rempart» contre le Covid-19 ne serait donc «pas les masques», ainsi qu'il l'a tweeté : 

Entre les syndicats policiers et Beauvau, les tensions s'accroissent

La polémique est vive depuis plusieurs semaines entre les grandes organisations syndicales du secteur, qui dénoncent une pénurie, et le gouvernement qui a nié à plusieurs reprises tout manque de masque, à l'instar du secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nunez sur le plateau de France 2 le 20 mars.

Les affaires de Beauvau ne se sont pas arrangées lorsqu'il a été décidé aux alentours du 25 mars de réquisitionner les masques FFP2 des forces de sécurité pour fournir les Agences régionales de santé (ARS). Les tracts cinglants des syndicats ont bientôt fusé, invitant les policiers à ne plus réaliser les contrôles de confinement, ni à verbaliser.

Nouvel épisode, le 26 mars, avec la publication d'une brochure par Interpol qui préconisait le port des équipements de protection individuelle dans la situation actuelle... Le 29 mars, l'Unsa-Police a alors dénoncé dans un communiqué : «Cette recommandation n’est pas appliquée en France, le ministère de l'Intérieur préconisant le port des masques uniquement en cas de contact avec un individu "qui présente des symptômes de la maladie"». 

Antoine Boitel