Alexandre Langlois a déclaré avoir prévenu de nombreux médias et responsables politiques de son passage devant un conseil de discipline au siège de la préfecture de police de Paris ce 20 février... Sur place, il y avait deux médias, dont RT France, un député - l'insoumis Ugo Bernalicis venu représenter son groupe - et plusieurs dizaines de Gilets jaunes.
Sur le papier, le policier lanceur d'alerte, et secrétaire général du syndicat policier VIGI (0,4% aux dernières élections professionnelles de décembre 2018), est convoqué en conseil de discipline pour manquement au devoir de réserve. Quelques minutes avant d'entrer dans les locaux de la préfecture de police de Paris, Alexandre Langlois a accordé quelques propos à RT France. Selon ce dernier, les véritables raisons de sa convocation sont principalement liées aux prises de position fortes de son syndicat sur des sujets épineux comme l'épidémie de suicides au sein des effectifs de police, l'affaire Benalla et le mouvement des Gilets jaunes. Le lanceur d'alerte a également évoqué un contentieux avec les syndicats majoritaires de la profession que VIGI accuse d'avoir fraudé au cours des élections professionnelles de la fin d'année 2018.
Le député de La France insoumise, Ugo Bernalicis, a expliqué au micro de RT France qu'il était venu soutenir Alexandre Langlois en tant que lanceur d'alerte : «[Il] passe en conseil de discipline pour avoir dénoncé un certain nombre de pratiques scandaleuses au sein de la police nationale [...] Si on ne peut plus questionner les pratiques policières, notamment quand on est soi-même policier et syndicaliste, dans quel monde est-on ? Visiblement, la dérive autoritaire touche tout le pays.»
La décision laissée aux mains de Castaner et Nunez ?
Contacté par RT France, VIGI a fait savoir que le conseil de discipline s'était finalement déclaré incompétent pour sanctionner Alexandre Langlois, mais laissait cette décision au cabinet du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
Il y a plusieurs semaines, le syndicat avait mis en ligne une pétition dans laquelle sont dénoncées les raisons pour lesquelles le policier risquerait, selon le syndicat, la révocation de la police nationale : «Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat VIGI va passer en conseil de discipline le 20 février 2019, pour avoir, au nom de notre organisation dénoncé auprès du Procureur des faux en écriture publique et des détournements de fonds publics de directeurs de la police ; dénoncé l’inaction du directeur général de la police nationale dans la lutte contre le suicide, qui a fait 61 morts dans la Police Nationale depuis sa prise de fonction ; dénoncé le détournement de la procédure disciplinaire et l’opacité de l’IGPN ; dénoncé le détournement de la médecine statutaire de soigner pour réprimer les fonctionnaires ; déposé plainte, puis s’être constitué partie civile dans l’affaire Benalla/Macron ; médiatisé la solidarité d’une majorité de policiers avec les gilets jaunes ; mis en avant les carences du gouvernement dans la gestion du maintien de l’ordre des manifestations de gilets jaunes ; déposé un recours pour demander l’annulation des dernières élections au sein du Ministère de l’Intérieur, par les 3 syndicats majoritaires.»
Par ailleurs, le communiqué précise : «On lui reproche un manquement au devoir de loyauté envers ses chefs, alors qu’il sert le peuple. On lui reproche une atteinte au crédit et renom de la police nationale, en dénonçant de graves dérives internes, alors que c’est un lanceur d’alerte protégé par la loi. On lui reproche un manquement au devoir de réserve, qui n’existe pas dans le statut de la fonction publique de 1983. L’auteur de cette loi, Monsieur Anicet Le Pors explique ne pas l'[y]avoir mis sciemment. Par contre il [y] a mis le devoir d’information du public.»
Le syndicat VIGI est lui-même connu pour ses prises de position tranchées. A la fin du mois de juillet 2018, VIGI s'était constitué partie civile dans l'affaire Benalla et avait demandé au parquet de Paris un réquisitoire supplétif aux juges d'instruction pour étendre l'enquête à la disparition du coffre-fort. Or le parquet avait opposé une fin de non-recevoir. Malgré le manque de coopération d'Alexandre Benalla dans la recherche du coffre et la perquisition de son domicile à Issy-les-Moulineaux, le parquet s'est rangé à ses déclarations selon lesquelles il n'y avait que des armes, détenues légalement, dans le coffre. «Le parquet fait-il preuve d’une naïveté inhabituelle ? Sa position alimente en tout cas la thèse d’un Benalla protégé par le pouvoir», avait alors déploré l'avocat de VIGI, Yassine Bouzrou, cité par Le Parisien.
Antoine Boitel